Zone Dubitative

Wonder Woman 84

Wonder Woman 84 est un film intéressant, en tout cas au moins pour le contexte dans lequel il est sorti puisqu’il est le premier et, à ce jour, seul blockbuster super héroïque à être sorti dans la période troublée que nous subissons depuis plus d’un an. Avec la plupart des cinémas fermés et des films ayant coûté des centaines de millions de dollars sur les bras, les différents studios naviguent à vue dans cette crise inédite. Certains repoussent sans cesse leur produit star (comme le prochain James Bond) pendant que d'autres comme la Warner tentent le tout pour le tout. Ayant lancé il y a peu sa plateforme de streaming nommée HBO Max, la Warner a décidé que tous ses gros films annoncés pour 2021 seraient disponibles dans les cinémas quand cela sera possible mais également sur HBO Max… dès la sortie et sans surcoût pour les abonnés au service ! Une manœuvre osée et inédite que tout le monde scrute attentivement. Ainsi, dans ces conditions rocambolesques, WW84 est sorti… enfin là où HBO Max est disponible et là où les cinémas sont ouverts. Une méthode efficace ? La fin du cinéma comme annoncée par certains ? Seul l’avenir le dira. Mais trêve de bavardages, parlons déjà du film.

 

Diana in wonderland

Exit le contexte de guerre mondiale, nous retrouvons cette fois Diana Prince aka Wonder Woman dans les années 80. Alors qu’elle vit sa petite vie, solitaire depuis la disparition de Steve Trevor, partagée entre son travail et ses activités super héroïques, Diana va se retrouver confrontée à un curieux artefact. Sans valeur ni utilité au premier abord, l’objet va se révéler être d’une puissance phénoménale et d’une dangerosité extrême entre de mauvaises mains. Lorsqu’un illustre inconnu nommé Max Lord s’en empare, Diana n’a plus le choix et doit l’arrêter… mais l’objet en question, une pierre capable d’exaucer les vœux, semble affecter toujours plus de monde, y compris notre héroïne.

Que l’on ait aimé ou pas le premier Wonder Woman, il faut bien reconnaître qu’il arrivait à proposer une version appréciable de Diana tout en délivrant une origin story cohérente. On comprenait vite les tenants et les aboutissants, les enjeux étaient clairs. Ici, ce n’est pas vraiment le cas. WW84 est un film particulier. Déjà dans son ton et dans son rythme. D’une durée assez imposante (2h30), le film prend vraiment son temps pour poser ses enjeux, trop même. Tant et si bien qu’au bout d’une grosse heure, l’histoire a à peine démarré et les scènes marquantes brillent par leur rareté, ce qui ne serait pas un problème si le film nous racontait quelque chose d’intéressant. Or ici, on y suit juste les péripéties de Diana, des péripéties clichées qui ne racontent rien de particulier. Faire de Wonder Woman l’une des figures de proue du féminisme est tout à fait logique et, avant de continuer à développer pour éviter toute polémique stérile, il n’y aucun problème à mettre en avant les femmes dans les films de super héros, tout comme il n’y a aucun problème à aborder des sujets tels que les rapports hommes/femmes, les inégalités, etc. Cependant, il faut tout de même que ce soit fait avec un minimum de finesse, ce qui n’est clairement pas le cas ici. Dans WW84, ces genres de sujets sont traités avec la grâce d’un pachyderme. Un exemple, dans le film, 99% des personnages masculins sont de véritables raclures. Ils sont soit des agresseurs, soit des truands, soit tout simplement de gros dégueulasses. A l’exception de Steve, tout homme que va croiser Diana ne sera donc rien d’autre qu’un, désolé pour l’expression, gigantesque connard. Loin de moi l’idée de tomber dans du not all men mais là, le bouchon est poussé bien trop loin, ce qui dessert au final cet aspect du film qui devient bien trop caricatural et forcé.

Il y a de gros problèmes d'écriture qui se retrouvent malheureusement à tous les niveaux dans le film. Le méchant ? Caricatural au possible et campé par un Pedro Pascal qui en fait des caisses. Il est bien peu convaincant et ne semble avoir aucune motivation vraiment crédible pour justifier ses actes. Le personnage de Cheetah, joué par Kristen Wilg, est au final très cliché avec la ficelle ultra usée de la femme un peu décalée et mal fagotée qui va se transformer en bombe avant de devenir plus méchante. Et que dire de Diana, qui traverse tout ça un peu en touriste, tantôt impliquée, tantôt spectatrice. Gal Gadot n’a jamais été subjuguante au niveau de son jeu d’actrice mais dans WW84, c’est un peu le service minimum. Le film se retrouve donc partagé entre tantôt une overdose de bons sentiments étalés à la truelle, tantôt des méchants ultra caricaturaux. Étaler ça sur 2h30 et la séance peut vite sembler longue.

 

Pour qui ? Pourquoi ?

Une fois le générique de fin visionné, deux questions se posent : Pour qui est ce film ? Qu’est-ce qu’il veut raconter ? Deux questions auxquelles il est bien difficile de répondre tant WW84 ne semble jamais savoir où il va. Déjà pourquoi avoir mis 84 dans le titre pour au final si peu se servir du contexte des années 80 ? A part quelques clins d’œil et certains passages, on se le demande. Pour un blockbuster de ce genre, il faut également préciser que les scènes d’action, en plus d’êtres rares, sont tout sauf marquantes. Les chorégraphies sont peu inspirées, souvent brouillonnes et les effets spéciaux ne sont pas tout le temps à la hauteur. Le premier WW faisait bien mieux.

Pour revenir sur l’aspect féministe du film, là aussi, des problèmes se posent. Déjà le retour de Steve Trevor est exécuté via une méthode pour le moins discutable. Si les genres avaient été inversés et que Steve avait fait revenir Diana de la même manière, nul doute que ça aurait fait scandale. Pareil concernant Diana, que l’on a toujours décrite comme une femme forte, indépendante, guerrière et qui ici ne semble vivre qu’au travers de sa relation avec Steve qu’elle décrit comme son seul bonheur. Qu’elle soit attachée à lui, d’accord, mais qu’elle semble errer sans but comme une pauvresse alors qu’il a disparu depuis des décennies, qu’elle accepte sans broncher la méthode de son retour, qu’elle se comporte comme une ado quand il faut enfin rectifier ce problème n’en fait vraiment pas un personnage fort ou crédible en tant que héroïne.

Et ces maladresses n’en sont que quelques-unes parmi tant d’autres tant le film multiplie les facilités d'écriture et les incohérences. Le scénario est littéralement bourré de trous qu’aucune explication ne viendra jamais combler. Pire, souvent il suffira d’évoquer le fameux « pouvoir de l’amour » pour régler une situation, y compris le climax final qui se conclut d’une manière digne d’un dessin animé pour enfant. Aucun personnage n’est vraiment développé, aucun enjeu n’est vraiment crédible, un peu comme si le film ne savait pas trop quoi raconter… à part que l’amour c’est bien et que mentir c’est mal (véridique), un comble pour un film si long.

 


Wonder Fail
Beaucoup regrettent le tournant plus lumineux et léger pris par l’univers DC au cinéma. Si la Snyder Cut de Justice League ou encore le Batman de Reeves restent des projets alléchants, la tendance pour l’univers DC est au rapprochement avec le ton du MCU comme l’a prouvé le Aquaman de James Wan, équivalent d’un Thor Ragnarok de Marvel. C’est encore le cas ici sauf que c’est très mal exécuté. Si Aquaman était une piètre adaptation de comics, il avait au moins le mérite d’être rythmé et d’être un bon divertissement. Ce n’est pas le cas de ce WW84 qui s’enlise dans une histoire pleine de trous et de facilités, à l’écriture paresseuse et aux retournements de situation tout sauf crédibles. Et ce ne sont pas les scènes d’action décevantes et peu nombreuses qui viendront relever le niveau. Après un premier opus honnête plutôt réussi, Patty Jenkins se foire dans les grandes largeurs pour cette suite très décevante quand elle n’est pas carrément gnangnan, voire problématique. Le troisième volet des aventures de Wonder Woman, toujours avec Patty Jenkins à la réal’, ayant déjà été acté, on espère qu’il sera d’un tout autre niveau que celui de WW84. Cette héroïne mérite bien mieux !

 

 

Post publié par Damzé le 24/03/2021 12:45

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