Zone Dubitative

Parasite

Que dire sur un film qui a tout gagné ? Avec Parasite, Bong Joon-Ho a frappé un grand coup et a raflé à peu près toutes les récompenses possibles et imaginables. Alors que toutes les critiques semblent unanimes, que tout le "Youtube Game ciné" semble l'avoir désigné comme le film de 2019, peut-on encore revenir dessus sereinement et se risquer à une critique moins élogieuse ? Non, Parasite n'est pas mon film de l'année 2019, il n'est même pas dans mon top 3 et je vais tenter de vous expliquer pourquoi…

 

Vis ma vie de riche

La famille de Ki-woo est loin de vivre dans l'opulence. Avec ses parents et sa sœur au chômage, ils vivent misérablement, entassés dans un appartement insalubre. Un jour, un ami de Ki-woo, qui est étudiant, décide de le recommander pour qu'il le remplace pour donner des cours d'anglais à une jeune fille issue d'une riche famille. En se fabriquant un faux parcours d'étudiant et en mentant sur son identité, Ki-woo séduit vite la jeune Da-hye et met en confiance la mère de cette dernière. Et si cette richissime famille était le meilleur moyen de sortir de la pauvreté ? Petit à petit, Ki-woo et sa famille vont tenter de s'incruster chez les Park, en s'inventant de fausses identités et de faux parcours, déclenchant ainsi un engrenage malsain.

On peut séparer Parasite en deux parties et quand on regarde la première, on comprend vite pourquoi le film a séduit autant de spectateurs. Voir la famille de Ki-woo mentir et mettre au point des stratagèmes de plus en plus vicieux pour s'introduire chez les Park et les noyauter est un véritable régal. Voir cette famille pauvre composée de roublards, véritables virtuoses de la débrouillardise, se jouer de gens richissimes, remplis de certitudes et de condescendance a quelque chose de jouissif. On se surprend à attendre avec délectation pour découvrir quelle sera la prochaine invention de la famille de Ki-woo pour réussir à introduire un nouveau membre chez les Park. Si elle n'est pas la grande satire sociale vendue par certains, la première moitié de Parasite prend un malin plaisir à se moquer de ces familles riches, se pensant au-dessus du lot mais qui restent incapables d'élever leurs enfants, de faire à manger ou quoi que ce soit d'autre sans l'aide d'employés pour le faire à leur place. Et il faut bien reconnaître que Bong Joon-ho raconte son histoire à la perfection, aidé par une brochette d'acteurs impeccables. Inventive et jubilatoire, la première partie de Parasite frôle donc la perfection. Mais comme souvent dans ce genre de films, on attend tous la même chose, le twist ! LE moment qui va tout faire basculer.

 

Le soufflet retombe

Le souci, c'est qu'à partir du gros retournement de situation du film, ce dernier perd beaucoup de sa puissance et la force de son propos s'émousse pour basculer vers quelque chose de moins fin, réaliste et beaucoup plus décevant. Dans la grande tradition de certains grands films du cinéma asiatique catégorie comédie noire/thriller, Parasite n'hésite pas à basculer dans le dérangeant et la violence. Le résultat est là, c'est surprenant, ça met mal à l'aise. Le souci, c'est que ce n'est pas forcément maîtrisé. A vrai dire, ça paraît même très artificiel. On s'attendait à ce genre de retournement mais le début du film, extrêmement plaisant et malin, laissait présager quelque chose de moins caricatural. Car dans sa deuxième partie, Parasite perd cet ancrage réaliste et intelligent qui faisait sa force pour basculer dans quelque chose de trop grossièrement choquant pour totalement convaincre. Les personnages, attachants et/ou pitoyables, deviennent d'un coup incohérents. Les situations, amusantes et jubilatoires, deviennent juste des enchainements de scènes qui semblent uniquement là pour tenter de choquer le spectateur.

Bien sûr, on peut y voir un basculement vers la cruauté, celle de l'homme, celle de notre société, celle des riches envers les pauvres et la lutte entre les pauvres eux-mêmes pour avoir droit aux miettes laissées par les plus privilégiés. Un basculement visible jusque dans les décors (ou les pauvres doivent se contenter du sous-sol ou d'un appartement miteux presque souterrain pendant que les plus aisés tronent fièrement dans leur gigantesque maison sur les hauteurs) qui se transforment au final en une réprésentation visuelle du paradis et de l'enfer sublimée par une réalisation impeccable. Malheureusement, c'est fait sans l'intelligence et la fraîcheur du début du film. Quant à la toute fin, elle se perd un peu entre bons sentiments et fausse morale trop évidente pour convaincre et transmettre un quelconque message, laissant Parasite se terminer sur une note douce/amère plutôt fade.

 


Parasitage
Loin d'être mauvais, Parasite laisse un un peu un sentiment de facilité à cause de son twist principal qui, bien qu’apportant son lot de scènes choquantes et/ou malsaines, se fait au détriment du début du film. Un début malin, accrocheur, jubilatoire qui se retrouve parasité par un basculement vers quelque chose de bien moins intelligent, réaliste et pertinent. La deuxième partie semble être là pour amener un quota de trucs malaisants qu'on sentait venir dès le départ. Pas au niveau d'un chef-d'œuvre comme le Old Boy de Park Chan Wook, Parasite n'est pas non plus ce que Bong Joon-ho a réalisé de plus percutant et c'est pourtant par lui qu'il atteint la consécration ultime via les Oscars. Une consécration que l'on ne boudera pas pour autant car malgré sa deuxième partie plutôt décevante, Parasite est un film qui mérite d'être vu. Vu pour ce qu'il raconte, pour ce qu'il montre sur une facette de notre société, vu pour sa première partie géniale et jubilatoire. Dommage que tout se termine un peu en eau de boudin mais parfois le voyage est plus intéressant que la destination.

 

 

Post publié par Damzé le 09/03/2020 02:57

Commentaires