Zone Dubitative

One Piece [Saison 1]

Quand on parle d’adaptation live de manga, on aborde un sujet épineux. Déjà parce que dans l’inconscient collectif, les adaptations live de manga sont toujours une catastrophe, ce qui est faux. Une généralité due en partie au fait que le grand public ignore souvent tout simplement que certains films cultes sont issus de mangas. Old Boy en est l’un des meilleurs exemples. En remontant beaucoup plus loin dans le temps, on pourrait même citer les Baby Cart, série de films japonais cultes des années 70 tirés du manga tout aussi culte Lone Wolf and Cub. Ensuite parce que ce sont plutôt les adaptations de shonen (pour simplifier : les mangas pour jeunes garçons axés sur l’action tels que Dragon Ball, Naruto, etc.) qui sont presque systématiquement toujours loupées et que le shonen est de très loin le genre de manga le plus populaire à travers le monde.

Car quand il s’agit d’adapter ce genre en particulier, il faut bien avouer que le résultat est au mieux à peine passable et bien souvent médiocre. Kenshin le vagabond, Full Metal Alchimist, Bleach et j’en passe, des mangas cultes qui ont tous eu droit à des films moyens avec un budget souvent fauché et des acteurs pas exceptionnels. Mais en général, le pire se produit surtout lorsque le cinéma américain et Hollywood s’en mêlent. Qui a pu oublier l’effroyable Dragon Ball Evolution ? Adaptation scandaleusement mauvaise de Dragon Ball et accessoirement l’un des pires films de tous les temps. On pourrait aussi évoquer le tout aussi nullissime et catastrophique Knights of the Zodiac sorti en 2023 et qui a eu droit à un flop aussi retentissant que mérité.

Bref inutile de dire que quand Netflix a annoncé qu’ils allaient adapter le manga culte One Piece, les fans ont presque immédiatement sorti les fourches et les torches. Le fait que la célèbre plateforme de streaming, capable du meilleur comme du pire, se soit déjà attaquée à l’adaptation live de manga sans succès ne jouait pas vraiment en faveur du projet. Comment ne pas repenser au très mauvais film Death Note ? Ou encore, plus récemment, à la série Cowboy Bebop très moyenne et clairement pas à la hauteur de l’œuvre culte dont elle s’inspire ? Pourtant, au fil du temps, grâce à des images tirées du tournages, des interview des acteurs ou encore la mise en avant du fait que Eiichiro Oda (le créateur du manga) soit très impliqué dans la conception de la série, Netflix a progressivement réussi à retourner une partie du public et notamment des fans. Et si le miracle avait eu lieu ? Et si One Piece, à défaut d’être la première adaptation live de manga réussie, était la première adaptation live d’un shonen à être vraiment au niveau ?

Pirates, il est temps d’embarquer sur le galion ZD et de partir à l’abordage de cette saison 1 tant attendue. Gum gum… critique !

 

A l’abordage du manga

Quand la marine a enfin réussi à mettre la main sur Gol D. Roger, le roi des pirates, elle a pensé qu’en mettant en scène son exécution publique, elle arriverait à mettre un coup au moral des pirates de tout bord et à réfréner les envies de ceux qui seraient tentés par ce genre de vie. Mais quand ce dernier, avant de lâcher son dernier soupir, se lance dans un speech enflammé qu’il conclut par une révélation incroyable, tout change. Gol D. Roger affirme qu’il a caché son trésor, le One Piece et que c’est à une toute nouvelle génération de pirates de reprendre le flambeau afin de le retrouver. Ainsi, au lieu de marquer un coup d’arrêt, sa mort va à la place lancer un âge d’or de la piraterie. Et alors que tout un tas de pirates célèbres parcourent les mers à la recherche du One Piece, un jeune homme du nom de Luffy entend bien le trouver avant tout le monde et devenir le nouveau roi des pirates. Bon, il lui manque juste un bateau et un équipage. Mais Luffy n’est pas un individu ordinaire, doté d’un optimisme à toute épreuve, il a mangé un fruit du démon quand il était enfant, un aliment étrange qui donne des pouvoirs à ceux qui l’ingurgite. Ce qui a eu pour conséquence de donner à son corps les propriétés du caoutchouc. Il peut donc allonger et déformer ses membres très facilement. La contrepartie ? Il ne peut pas nager et coule comme une pierre dans l’eau. One Piece va donc nous raconter comment le jeune Luffy va rencontrer des individus aussi singulier que lui et comment ils deviendront ses amis puis son équipage. Au cours de leurs nombreuses aventures, ils vont devenir les célèbres chapeaux de paille (en référence au chapeau de paille de Luffy dont il ne se sépare jamais).

Forcément, vu le postulat de départ, on se dit que le manga est difficilement adaptable. Une mer omniprésente qui représente l’essentiel du monde, des îles, des bateaux, des pirates, la marine, des pouvoirs farfelus. Et c’est sans compter sur le style de dessin très singulier d’Oda. Avec ses personnages aux silhouettes hors normes souvent abusivement maigres ou imposants, avec pas mal de visages totalement improbables, difficile d’imaginer des acteurs réels pour les incarner. Mettre en place tout cet univers incroyable, toutes ces aventures haletantes sur les mers semble alors hors de portée en termes de budget et de rendu.

Et pourtant, contre toute attente, dès le visionnage de l’excellent pilot, un constat s’impose : la série semble réussie. Visuellement, les décors sont crédibles et de qualité avec un soin tout particulier accordé aux navires. On ressent bien le mélange pirates/navigation en mer/aventure si cher au manga. Les costumes, malgré un aspect un peu cosplay deluxe pour certains, sont globalement aussi une réussite. Ne restait plus que LA grande crainte à évacuer, celle du choix des acteurs et, à la surprise générale, c’est sûrement le plus gros point fort de la série. C’est bien simple, le casting de One Piece est absolument parfait, tout particulièrement quand ça concerne l’équipage des chapeaux de paille. Inaki Godoy incarne à la perfection l’optimisme sans faille et la bonne humeur communicative de Luffy, Mackenyu Arata retranscrit très bien le côté taciturne/blasé d’un Zoro qui cache un bon fond, Emily Rudd campe une Nami aussi débrouillarde et fourbe que touchante, etc. En résumé, on pourrait continuer longtemps tellement nous sommes face à un sans faute.

Composée de 8 épisodes, cette première saison est l’adaptation du 1er arc du manga : East Blue. Et si quelques coupes et changements ont été effectués, le tout reste globalement extrêmement fidèle au travail d’Oda. Les épisodes s’enchaînent bien, les thèmes musicaux restent en tête (avec un très bon thème principal) et les moments les plus importants sont tous bien retranscrits. Que ce soit les rencontres, les passages dramatiques, les flash-backs ou les combats, aucune scène culte ne manque à l’appel. Et malgré un budget parfois en souffrance avec quelques effets spéciaux en-dessous et quelques passages moins inspirés que d’autres, le résultat final est globalement très satisfaisant.

On sent que les créateurs de la série ont vraiment compris ce qu’était One Piece, à savoir les aventures trépidantes d’un équipage aussi loufoque qu’éminemment sympathique alors qu’il gravit les échelons de la piraterie et se fait un nom. On retrouve absolument tous les ingrédients clés du manga et on se prend vite d’affection pour les chapeaux de paille mais également pour les autres personnages qui croisent leur route. L’univers du manga est bien transposé à l’écran dans ce qu’il a de plus rafraîchissant et de plus bizarre (les escargophone?!).


 


La piraterie n’est jamais finie
Dans la marée d’adaptations moyennes ou ratées de shonen cultes, One Piece ne se contente pas de surnager mais se pose clairement comme la plus réussie dans son domaine. Alors bien sûr, tout n’est pas parfait, quelque costumes ou effets spéciaux ne sont pas au niveau, la réalisation manque de folie, certains aspects clichés du manga restent présents mais, que l’on soit fan ou non, il est bien difficile de bouder son plaisir devant les aventures aussi barrées que divertissante de Luffy et sa petite bandes. Du dépaysement, de l’action, de l’émotion, tous les éléments clés d’un bon shonen sont présents. On sent clairement que les acteurs s’amusent comme des petits fous tout comme on sent l’implication d’Oda dans la conception de la série. Et justement, le fait que le créateur du manga se soit autant investi, qu’il est minutieusement validé chaque aspect du projet, n’est-ce pas finalement LE détail qui change la donne ? Contrairement à des Dragon Ball Evolution ou à des Knights of the Zodiac qui dénaturent complètement l’œuvre de base en changeant les personnages, l’histoire, etc. et ou la seul tâche du créateur du manga semble être d’avoir encaisser un gros chèque, One Piece fait le choix de la fidélité, du respect et ça marche. D’ailleurs le public ne s’y est pas trompé et Netflix vient de renouveler la série pour une saison 2. Vivement la suite !

 

Post publié par Damzé le 15/03/2024 12:40

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