Mowgli
Quand on parle du Livre de la Jungle, beaucoup pensent instantanément au dessin animé classique de Disney, au « aies confiaaaance » de Kaa ou encore au « il en faut peu pour être heureux » de Baloo. Il faut dire que cette adaptation est sans aucun doute la plus connue même si celle de 2016 en images de synthèse, toujours de Disney, a rencontré un grand succès. Aujourd’hui, je vais vous parler de Mowgli, un film Netflix réalisé par Andy Serkis. Un film au parcours tumultueux. A la base il devait sortir au cinéma en 2016… En 2014, la Warner décide de décaler la sortie en 2017 pour laisser plus de temps à l’équipe en charge des effets spéciaux. Souci, en 2016, Disney sort aussi sa nouvelle version donc la Warner décide de repousser la sortie en 2018 pour éviter une confrontation trop rapprochée. Finalement, coup de théâtre, la Warner vend le film à Netflix, une première qui provoque polémiques et débats divers. Le film sort finalement en décembre 2018, exclusivement sur Netflix. Réalisé par Andy Serkis, grand prêtre suprême de la motion capture à qui l’on doit les performances d’acteur phénoménales de Gollum dans le Seigneur des Anneaux ou encore de César dans la Planète des Singes, le projet intrigue beaucoup, surtout après une gestation aussi longue. Adaptation réussie ? Arlésienne foireuse ? Voyons voir si Netflix a fait une bonne affaire.
Ivre de la jungle
Faire un film en images de synthèse, c’est toujours quelque chose de particulier et de très casse-gueule. Une mauvaise direction artistique, des effets spéciaux à la traine et c’est le drame. Un défi encore plus grand quand le film mélange à la fois créatures en CGI et vrais acteurs, ce qui est le cas ici. Autant être honnête, tout le monde ne sera pas fan de l’aspect visuel de Mowgli. En ce qui me concerne, je suis totalement conquis. La jungle est absolument magnifique, vivante, un poil fantasmée tout en restant réaliste et le mélange effets spéciaux/décors réels est impeccable. Cependant le plus gros parti pris du film vient de la modélisation des animaux. Andy Serkis a bien évidemment utilisé la motion capture afin de retransmettre le jeu des acteurs sur les visages de ces derniers alors forcément, le rendu n’est pas réaliste mais le résultat final est saisissant tellement la technique est une réussite… D’autant plus qu’il y a du beau monde au casting ! Jugez plutôt : Andy Serkis en Baloo, Christian Bale en Bagheera, Benedict Cumberbatch en Shere Khan ou encore Cate Blanchett en Kaa.
A l’écran, c’est assez phénoménal à voir. Toute la méchanceté et la cruauté d’un Shere Khan ressortent encore plus et donnent au personnage une aura inquiétante et menaçante. Les performances des « animaux » sont bluffantes mais surtout troublantes, ce que leurs visages perdent en réalisme pur est largement rattrapé par les émotions qu’ils arrivent à transmettre. Au milieu de tout ça, le jeune acteur qui incarne Mowgli s’en sort avec les honneurs et délivre une prestation convaincante. Tout ce gros mélange, déroutant pendant les premières minutes, devient vite cohérent artistiquement et visuellement. Porté par une réalisation très réussie, le film est sublime de bout en bout et propose certaines scènes vraiment très marquantes. On pense notamment à la course des loups extrêmement bien filmée ou encore à la rencontre entre Kaa et Mowgli, plus hypnotique que jamais. Perdu dans cette jungle tantôt fascinante, tantôt inquiétante, suivre les aventures d’un jeune garçon élevé par des bêtes sauvage est un réel plaisir.
La loi de la jungle
Mais Mowgli ne se démarque pas uniquement grâce à son aspect visuel, il se démarque aussi par son ton. Sans être un film brutal et sanglant, la version Netflix du Livre de la Jungle est de loin l’adaptation la plus sombre et la plus violente jamais faite des nouvelles de Kipling. A certains moments clés, le film n’hésite pas à être plus cruel, plus violent, voire même presque horrifique, et il ne le fait jamais gratuitement. Ces passages ont toujours pour but d’amorcer un changement de ton dans le récit ou d’appuyer un propos. Le « déconseillé au - de 13 ans » n’est pas usurpé. L’aspect visuel, le scénario, l’ambiance, tous ces éléments font de Mowgli l’adaptation la plus travaillée, la plus fidèle et la plus adulte des écrits de Kipling.
Le film se démarque aussi grâce aux relations entre les animaux et Mowgli. Mis en valeur par des performances d’acteurs de haut vol, chaque échange entre le jeune garçon et les bêtes de la jungle procure beaucoup d’émotions et de profondeur à l’ensemble. Ici Baloo n’est pas un sympathique Ours bedonnant mais plus un vieux sage, souvent dur mais aussi attendrissant. Idem pour Bagheera qui prend le rôle du mentor protecteur. Même Kaa se veut différent ou plutôt différente avec une Cate Blanchett qui donne au personnage une aura quasi mystique. Le palme reviendra cependant au Shere Khan de Cumberbatch qui insuffle au cruel tigre un charisme hallucinant (jusque dans sa manière de prononcer son texte). Finalement ce sont les hommes qui sont les personnages les plus effacés et les moins travaillés du film… certains y verront un défaut, d’autre une cohérence (c’est mon cas). En effet, Mowgli étant sauvage, on ne voit le village qu’à travers son prisme. Il n’a d’ailleurs aucun dialogue avec les êtres humains, il n’échange qu’avec les animaux. Une inversion bien vue par rapport aux normes habituelles, ce qui renforce la puissance et les propos du film.
Post publié par Damzé le 21/10/2019 02:48
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