Zone Dubitative

Logan

Conclure une histoire, raconter la fin d’un parcours est sans doute l’une des choses les plus difficiles à faire. Que ce soit au cinéma, à la télé, en BD et même dans les jeux vidéo, combien de fins polémiques ? Combien de fins décevantes ? L’exercice est corsé, encore plus quand il s’agit de mettre un terme à une aventure longue de 17 années. 17 ans, c’est le temps qu’a passé Hugh Jackman à incarner le mutant Wolverine, membre phare des X-Men et chouchou des fans. Inutile de dire qu’entre le tout premier film X-Men et Logan, il y a eu un sacré chemin parcouru. Un chemin constitué de hauts et de bas au cours duquel nous avons vu notre héro évoluer et murir via  les 6 films X-Men qui compose la saga. Cependant Wolverine a une particularité comparé au reste de son équipe, il est le seul à avoir eu droit à des films solo. Premier essai : Wolverine Origins, une catastrophe industrielle. Mal scénarisé, mal réalisé, le projet est un échec. S’en suivra alors une suite rocambolesque de changements en tout genre, changement de réalisateurs, réécriture de script etc pour mettre en place une suite. Et c’est finalement James Mangold qui hérite de la réalisation du 2ème volet, Wolverine : Le combat de l’immortel. Sans être parfait, le film fait enfin honneur au plus célèbre des X-Men. Le blason est redoré. Problème : Hugh Jackman vieillit, la saga X-Men évolue, la Fox veut un troisième film Wolverine, l’acteur accepte mais précise que ce sera sa dernière. Très proche de Jackman, avec qui il est devenu ami, Mangold rempile à la réalisation et décide de prendre les choses bien en main en demandant à avoir son mot à dire sur le scénario. Le but ? Proposer un baroud d’honneur pour Hugh Jackman. Le projet est lancé, le nom : Logan et pour la première fois (et sans doute grâce au succès de Deadpool malgré son interdiction aux mineurs) un film basé sur Wolverine est classé M (contenu mature) aux USA. On nous promet quelque chose de profond, viscéral et violent ainsi qu’une fin digne de ce nom. 1er Mars 2017, Logan sort dans les salles obscures, il est enfin temps de voir si ses griffes sont toujours aussi tranchantes.

Futur imparfait.

Dans un futur proche, les choses ont mal tournées. Logan, alcoolique et dont le facteur d’autoguérison  se dégrade, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il a un job de chauffeur et doit en plus s’occuper en secret d’une ancienne connaissance  qu’il cache dans le taudis qui lui sert de maison. Cette connaissance c’est Charles Xavier, ancien leader des X-Men, devenu maintenant un vieillard dont l’état mental décline de plus en plus. Dans un monde ou plus aucun mutant n’a vu le jour depuis 25 ans et ou les X-Men semblent avoir disparus, Logan va faire la rencontre d’une jeune fille qui va changer son destin et peut être celui de tous les mutants.  Logan peut-il encore être un héro comme il le fut il y a longtemps ? Que s’est-il passé pour que les choses dégénèrent à ce point ? Qui est cette mystérieuse jeune fille ?

De la même manière que Batman v Superman s’inspirait du Dark Knight Returns de Miller sans en être une adaptation, Logan s’inspire très librement du comic book Old Man Logan (à lire obligatoirement pour les fans) sans l’adapter. Et des les premières minutes, c’est la gifle en pleine face pour le spectateur. L’ambiance est pesante, morose, oppressante et le film nous dépeint un futur absolument pas apocalyptique mais résolument très sombre. On sent que le monde dans lequel évolue Logan est malade, un peu à l’image de son héro. Oubliez le Hugh Jackman beaugosse, star des X-men, sauveur du monde. On le retrouve ici complètement cassé et désabusé. Alcoolique, cantonné à un travail peu gratifiant, Logan n’a plus rien du héro d’antan. La dégénérescence de son facteur d’autoguérison n’arrange pas spécialement les choses mais son pire fardeau reste sans doute son encombrant invité : Charles Xavier. L’ex leader des X-Men est maintenant un vieillard et il est doucement gagné par la folie. Le problème c’est que malgré son âge, Charles Xavier reste l’un des mutants les plus puissants au monde. Son esprit peut être une arme de destruction massive et le vieil homme a de plus en plus de mal à contrôler ses pouvoirs. Et tandis que Logan tente tant bien que mal de gérer la situation, sa rencontre avec une inconnue va tout chambouler. Une femme veut lui confier comme mission de conduire une petite fille pourchassée par une mystérieuse agence en lieu sur. Refusant l’offre dans un premier temps, Logan va vite se voir obligé de recueillir la jeune fille nommée Laura qui se révèlera être une mutante.  La première partie du film se veut comme une introduction à ce futur imparfait que l’on imaginait pas et pose les bases qui vont transformer la dernière réalisation de Mangold en road trip violent mais aussi drôle et souvent touchant.

Violent car, pour la première fois, un film Wolverine est enfin interdit aux mineurs. Et à l’écran, le résultat est jouissif puisque l’on a enfin droit à un Logan sans concession et bestial. Chaque séquence ou l’ancien X-Man sort les griffes mène irrémédiablement à un carnage au cours duquel les adversaires vont se faire transpercer, éviscérer et tout un tas d’autre truc en-er. Il est d’ailleurs bon de signaler que les scènes d’action sont extrêmement réussies. Remarquablement chorégraphiées, violentes sans faire de surenchère, bien filmées, jouissives, tout simplement. On retiendra particulièrement une scène au cours de laquelle Charles Xavier perd la maitrise de son pouvoir, menaçant ainsi la vie de centaines de personnes pendant que Logan tente tant bien que mal de le rejoindre en se débarrassant d’une armée d’ennemies.

Drôle car parfois le film arrive à nous distiller quelques scènes marrantes qui viennent agréablement faire retomber la tension. Voir Xavier, Logan et Laura se faire passer pour une famille avec Xavier racontant à des personnes récemment rencontrées que Logan était un piteux élève et se remémorer le passé est à la fois drôle et touchant.

Et touchant le film l’est très souvent. L’empathie envers le trio de protagonistes est immédiate. Charles Xavier est vraiment très émouvant dans ce rôle de grand-père un peu gaga et drôle. Sa déchéance est un véritable crève cœur, au même titre que celle de Logan. On voudrait tellement qu’ils puissent vivre tranquillement quelque part au bord d’une plage paradisiaque, en bonne santé. Ce n’est malheureusement pas à l’ordre du jour et il n’est pas impossible que le film arrache à certains quelques larmes. Au milieu de tout ça, la petite Laura tente elle aussi de s’acclimater à ce voyage mouvementé. Ayant vécue en captivité pendant la majeure partie de sa vie, dotée de capacités proches de celles de Logan, elle est  comme une enfant lâchée pour la première fois dans le grand bain. Une enfant capable de tuer et qui va trouver en Logan un semblant figure paternelle. La relation entre les 2 acteurs est à ce titre merveilleusement bien retranscrite, évoluant de la méfiance à l’entraide pour finir par devenir une vraie affection.

C’était assez inattendu mais l’impact émotionnel est vraiment énorme et plus que l’action féroce, plus que l’ambiance captivante, c’est incontestablement le point fort du film.

Baroud d’honneur.

Que ce soit dans sa construction, dans son propos ou dans sa réalisation, le film de James Mangold est presque un sans faute. Road trip aussi sanglant qu’émouvant, cet ultime volet de la saga Wolverine peut aussi dire merci à ses acteurs. Hugh Jackman crève l’écran, sa prestation est sans faille mais est-ce encore étonnant après autant d’années passées à camper le personnage ? Rarement un super héro aura été incarné avec autant de nuances. Bien aidé par une bonne qualité d’écriture, Hugh Jackman nous offre le Wolverine parfait, un véritable rêve de fan devenu réalité. L’excellent Patrick Stewart n’est pas en reste, loin de là et c’est d’ailleurs peut-être lui le plus touchant. La déchéance de Logan est triste mais la sienne est dramatique. Le voir à l’écran nous envoyer autant d’émotions différentes à la figure est un véritable régal et certaines découvertes notamment sur le sort des X-Men sont bouleversantes. Cela soulève aussi une problématique intéressante : comment vieillissent les super héros ? La question peut prêter à sourire mais en voyant ces gens puissants, presque invincibles, on se demande rarement comment ils vont terminer leur vie. La dégénérescence des pouvoirs, les maladies, la vieillesse, pour la première fois, Logan place des surhommes face à des problèmes d’hommes. Et là ou certains films comme Civil War nous proposent une version quasi invincible de certains personnages, Logan nous fournit l’exact opposé. Jamais des super héros n’ont été représentés aussi faillibles, aussi humains, aussi vulnérables. D’ailleurs le film se veut très terre à terre. Point de planète à sauver ici, juste une enfant à protéger. Pas de grand méchant ultra puissant mais juste des adversaires armées et nombreux. Logan abandonne la grandiloquence et l’exagération habituelle des blockbusters super héroïques pour nous proposer quelque chose à bien plus petite échelle, quelque chose de beaucoup plus personnel.

Dernière protagoniste de ce trio de tête, la jeune Laura n’a rien à envier à ses deux compagnons. Du haut de ces 12 ans, Dafne Keen déboule dans ce monde de mecs baraqués et armés et nous assène une performance d’actrice de haut vol. Que ce soit dans les séquences d’action, dans les moments drôles ou quand il faut faire dans l’émotion, la jeune actrice délivre une prestation sans faille. Tantôt sauvage, tantôt simple enfant perdue, elle est la véritable révélation du film. Sa relation avec Xavier et Logan, même si elle aurait mérité plus de développement, reste le point central de l’histoire puisque Laura est le déclencheur, l’élément qui va faire évoluer l’intrigue et les personnages principaux vers un final aussi réussi qu’ultra chargé en émotions.

Point faible habituel de ce genre de film, même les bad guys s’en sortent plutôt bien. Donald Pierce, brillamment campé à l’écran par Boyd Holbrook, est assez drôle et charismatique pour que le spectateur le prenne au sérieux. Bien sur certains pesteront contre le « grand méchant final » dont nous ne révélerons pas l’identité pour ne pas gâcher la surprise mais force est de constater que c’est plutôt bien vu et que ce personnage inattendu se veut vraiment menaçant et sans pitié. Logan propose donc des adversaires crédibles mais finalement l’important n’est pas là. L’important dans Logan, c’est ce sentiment de fin véritable. On se sent impliqué dans le film de la première à la dernière seconde et il y a fort à parier que pour beaucoup, le tout dernier plan restera mythique.

Bien sur, tout n’est pas parfait. On aurait aimé voir plus d’interactions entre Logan et Laura, on aurait aimé que les scènes les plus fortes émotionnellement parlant soient plus mises en valeur mais vu le résultat obtenu à l’écran, il est bien difficile de se plaindre. A 1000 lieux des recettes habituelles d’Hollywood qui comment dangereusement à sentir le renfermé, Logan est une véritable bouffée d’air. Un film entier qui se suffit à lui-même et qui n’est pas là pour vendre des suites. Un film qui se veut intimiste et qui propose vraiment quelque chose de poignant là ou trop de productions actuelles délivrent plus d’effets spéciaux et d’effets de style que de bon scénarios et des personnages bien écrits. Finalement la grande réussite de Logan, c’est peut-être le fait de ne pas être un film de super héro mais plutôt un drame poignant teinté d’action…


James Mangold, Hugh Jackman, merci messieurs ! Ce fut un plaisir !
Et s’il y en avait enfin un qui avait compris ? Et s’il y avait enfin un studio avec l’envie de prendre de vrais risques ? Alors que le MCU nous sert sa soupe habituelle et que DC patauge à cause des dirigeants de la Warner qui ne cessent d’interférer dans le processus créatif, c’est surprenamment la Fox qui semble enfin vouloir casser les codes. Deadpool a prouvé que les films avec un classement pour adultes pouvaient marcher. Logan prouve que les films plus intimistes, sombres, bien écrits et sans overdose d’action et d’effets spéciaux sont viables. Et n’oublions pas non plus la récente série TV Legion qui elle aussi pulvérise tous les codes vus dans Arrow et autres Agents of SHIELD en proposant un véritable ovni télévisuel ultra rafraichissant. Il va être intéressant de voir comment tout ça va évoluer. La Fox va-t-elle continuer sur cette bonne lancée ? Les autres studios vont-ils êtres poussés à prendre plus de risque ?
Mais revenons à nos moutons. Logan est une totale réussite. Non content de proposer un véritable baroud d’honneur à Hugh Jackman, le film apporte une conclusion magistrale à l’histoire de Wolverine. Une fin totalement digne et en accord avec le personnage. Bien sur on pourra regretter que certaines choses soient un poil rushées mais rarement un film basé sur un super héro aura délivré pareil charge émotionnel. Prenant jusqu’aux tripes, Logan est un road trip inoubliables porté par un trio d’acteurs au sommet de leur art. On pourrait pester sur le fait que le scénario reste évasif sur certains points mais toutes les réponses sont pourtant là même si ce n’est parfois que via quelques allusions. Sans aucun doute possible le meilleur film tiré de l’univers X-Men à avoir jamais vu le jour, Logan est un excellent film de super héro… et un excellent film tout court. Chapeau bas monsieur Mangold.

 

 

Post publié par Damzé le 12/10/2017 05:55

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