Zone Dubitative

Les Anneaux de Pouvoir [Saison 1]

Je ne sais pas quelle est votre histoire avec Le Seigneur des Anneaux mais on a tous la nôtre. En ce qui me concerne, j'ai découvert les livres de Tolkien quand j'étais encore collégien sur les conseils de ma prof' de français. J'ai adoré. La Communauté de l'Anneau, Les Deux Tours, Le Retour du Roi puis Le Hobbit et enfin Le Silmarillion.

Comme beaucoup, je suis allé voir chacun des films de la trilogie de Peter Jackson. Une trilogie qui est rentrée dans le cercle fermé des plus grandes sagas de l'histoire du cinéma et qui a surtout permis de faire découvrir l'univers de Tolkien à un tout nouveau public.

Aujourd'hui, Le Seigneur des Anneaux est connu de tous. Livres, jeux vidéo, films, il ne restait plus qu'un domaine résistant encore à la licence, celui des séries TV. Et c'est finalement Amazon via sa plateforme Prime Video qui a décroché le gros lot. Avec son annonce en grandes pompes et son budget pharaonique de 1 milliard de dollars (du jamais vu pour une série), dire que Les Anneaux de Pouvoir était attendue est un doux euphémisme. Le problème quand on suscite autant d'attente, c'est qu'il faut avoir les épaules pour en supporter le poids. Avec d'un côté les fans hardcore prêt à bondir au moindre changement effectué par rapport aux livres et de l'autre, le grand public fan de la trilogie de Jackson et qui s'attend à la même chose que les films, le projet s’annonçait forcément “casse-gueule”.

Les Anneaux de Pouvoir fait-elle honneur à son statut de série la plus chère ever ? Est-ce une bonne adaptation ou un juste un produit à gros budget dénué d'âme ? Lisez donc cette critique, une critique pour les gouverner tous !

 

Les Anneaux de Pognon

Mais Les Anneaux de Pouvoir (LAP), ça raconte quoi ? Adaptation des livres ? Des films ? Suite des films ? Rien de tout ça. LAP nous raconte une histoire se déroulant 3000 ans avant les évènements du Seigneur des Anneaux, pendant le second âge. La Terre du Milieu vit une période de paix relative depuis que le terrible Morgoth a été défait. Cependant, un autre mal patiente, tapis dans l'ombre. C'est en tout cas ce que croit Galadriel, une elfe aussi rebelle qu’impétueuse. Elle reste persuadée, seule contre tous, que Sauron, un des plus fidèles serviteurs de Morgoth, est encore en vie et prépare son retour. Pendant ce temps, aux 4 coins de la Terre du milieu, les destins de plusieurs personnes se retrouvent chamboulés par des événements inattendus annonciateurs de grands changements. L’ère de paix touche-t-elle à sa fin ?

Les connaisseurs auront immédiatement reconnu au synopsis de la série que cette dernière se sert du Silmarillion comme base. Et attention car c'est déjà là qu'il faut préciser une chose importante. LAP s'inspire de l'œuvre de Tolkien mais n'en est pas une adaptation fidèle. Comprenez par là que la timeline se retrouve "comprimée" et que des évènements qui sont racontés sur plusieurs centaines d'années dans le livre peuvent ici se retrouver condensés et fusionnés avec d'autres. Un premier parti pris qui va forcément mécontenter les fans les plus hardcore mais qui n'est pas forcément une mauvaise idée pour dynamiser le récit.

Mais avant de parler en détail de tout ce qui concerne le scénario, etc., commençons par ce que l'on voit en premier dans une série : l'aspect visuel. Et là les amis, laissez-moi vous dire une chose, on sent le fric à travers l'écran ! Les décors, couplés à des effets spéciaux de grande qualité, offrent des panoramas spectaculaires. Il suffit de voir la sublime cité de Numenor pour s'en convaincre. Tout dans LAP est une invitation au voyage. Comme dans les livres de Tolkien, le spectateur est transporté dans des contrées inconnues. De la majestueuse cité naine Khazad-dum, en passant par Lindon, le havre des elfes ou encore Forodwaith et ses immenses étendues glacées, chaque découverte d'une nouvelle région est un moment d'émerveillement. De quoi parfois en rester bouche bée. Et si les décors sont sublimes, le reste l'est tout autant. Que ce soit sur les armures, les armes, les vêtements ou les prothèses sur les acteurs, difficile de prendre la série en défaut. Les oreilles des elfes et les pieds des harfoots (les ancêtres des hobbits) sont crédibles, les barbes des nains sont majestueuses, les perruques sont imperceptibles. Vu les moyens mis sur le projet, on était en droit d'attendre quelque chose de haut vol, c'est le cas. Seuls les plus grands épisodes de Game of Thrones sont en mesure de lutter avec LAP sauf que pour cette dernière, chacun des 8 épisodes propose quelque chose d'un niveau cinématographique.

Une des promesses était que la série devait nous en mettre plein les yeux et clairement, le contrat est rempli.

 

Un sublime paquet cadeau dont le contenu déçoit

La forme c'est bien, ça compte mais ça ne vaut pas grand chose sans le fond. Et sur cet aspect là, LAP, sans être mauvaise, déçoit sur pas mal de points. Commençons par parler du casting car à ce niveau là, il y a à boire et à manger. Certains acteurs sont vraiment bons, on retiendra tout particulièrement les performances de Morfydd Clark en Galadriel, de Robert Adamayo en Elrond ou encore de Daniel Weyman dans le rôle de l'étranger. Sur la majorité des rôles principaux, peu de problèmes mais impossible de passer outre certaines performances qui font vraiment tâches. Les acteurs jouant Theo ou Isildur par exemple peinent vraiment à convaincre et ce ne sont pas les seuls. Ce qui provoque parfois un sacré décalage quand ils ont une scène avec un acteur plus efficace. Des problèmes d'acting assez évidents, sans doute liés à un manque de direction mais aussi à une écriture en dent de scie.

Et l'écriture justement, parlons-en car c'est clairement LE point faible de la série. Entre les différents et nombreux arcs narratifs, les disparités sont énormes. Sur sa première moitié de saison, LAP patine un peu dans la semoule. Ne voulant pas prendre le risque de perdre un grand public loin d'être expert dans l'univers de Tolkien, la série fait énormément d'exposition dans ses premiers épisodes. Bien différencier les lieux et les personnages, montrer leur quotidien, le tout en prenant du temps pour tout étaler de manière fluide... Un peu trop d’ailleurs car il faut bien avouer qu'au bout du 5ème épisode, si tout cela se veut plutôt sympathique à regarder, on se demande quand même ou ça veut nous mener et ce que ça veut nous raconter. Il faudra attendre les 3 derniers épisodes pour que le rythme s'emballe enfin. Prendre le temps de développer chaque partie n'est pas un défaut en soi mais encore faut-il que ce soit intéressant. Si les passages avec Elrond et Durin sont toujours un régal à regarder tant les 2 acteurs livrent une prestation sans faille pour nous faire ressentir cette amitié aussi rare qu'irrésistiblement drôle, ceux avec Arondir et Bronwyn peinent à convaincre avec leur romance poussive. Et c'est tout le problème, comment passionner le spectateur quand la moitié du contenu proposé se veut un peu fade ou convenu ? Clairement, comparé à House of the Dragon qui est diffusée en même temps, en termes de narration et d'écriture, LAP fait souvent pâle figure. Comme si on avait mélangé les moyens d'un gros blockbuster pour le visuel et ceux d'une petite série B pour la narration et l'écriture. Soucis de rythme, certains personnages pas très bien joués, qualité d'écriture inconstante, heureusement que la série envoie du très lourd visuellement car ça aide à faire passer la pilule.

On pourrait se contenter de dire que le grand public s'en satisfera mais quand ça gâche vraiment la fête en foirant le grand twist de la saison, à savoir qui est Sauron, il y a de quoi être déçu tant tout ça semble être cousu de fil blanc. Pareil concernant la création du Mordor. Après une mise en bouche visuelle assez alléchante, la création de cette région est finalement validée aux yeux du spectateur via un insert textuel… pas une phrase, pas un regard d’acteur ne viendra souligner cet événement majeur. Des choix narratifs qui laissent vraiment dubitatifs concernant leur gestion.
Dernière déception, pas de grandes batailles à l’écran. On se doute bien que le but n’était pas d’envoyer toute la sauce dès la saison 1 mais cette dernière se veut assez avare sur ce point. La seule bataille notable censée impliquer un nombre conséquent de combattants laisse bien plus une impression de simple escarmouche. De plus, on sent que les gens derrière la série ont un petit peu regardé la copie de leur voisin puisque certains plans semblent très inspirés de la cultissime Bataille des bâtards de Game of Thrones sans jamais arriver à les égaler. 

Essayons de rester positifs concernant la 2ème saison, vu que la première a fait énormément d'exposition et que les enjeux sont enfin lancés à la fin, la suite devrait être plus vitaminée.

 


Des anneaux visuellement sublimes mais dont le forgeage laisse à désirer
Les Anneaux de Pouvoir, c'est parfois malheureusement un peu trop la forme sans le fond. Un sublime paquet cadeau, rutilant, avec de beaux et longs rubans mais qui, une fois ouvert, laisse dubitatif tant ce qu'il contient se veut en décalage avec ce que son emballage laissait imaginer. Superbe visuellement, avec des musiques signées Bear McCreary vraiment réussies, un casting principal plutôt efficace et des effets spéciaux très convaincants, la série nous propose quelque chose qui est digne des salles obscures mais qui, en termes d'écriture et de narration, se prend un peu trop les pieds dans le tapis. Certains arcs narratifs sont trop à la peine, certains personnages et leurs relations sont trop fades et clichés. Les Anneaux de Pouvoir, embourbé dans un tourbillon d'exposition, en oublie de lancer ses enjeux. Le sursaut a bien lieu dans les derniers épisodes mais c'est un peu tard et le twist de fin de saison n'est pas délivré de la meilleure des façons. On ne s'ennuie pas en regardant mais passée la phase d'admiration liée à son aspect visuel, la série peine à délivrer ses moments forts avec panache et donc à totalement convaincre. Dommage. Pour autant, elle vaut quand même le coup d'œil et se pose comme une adaptation honnête des écrits de Tolkien même si elle n'y est pas forcément fidèle. On espère que la saison 2, débarrassée en partie du poids de l'annonce, du budget colossal et des attentes démesurées qu'ont suscité ces 8 premiers épisodes, arrivera à rectifier le tir.

 

 

Post publié par Damzé le 02/02/2023 02:56

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