Zone Dubitative

Gods of Egypt

Quand un créateur comme Alex Proyas s'attaque à tout le panthéon égyptien, le résultat a forcément de quoi intriguer. Le réalisateur australien est en effet réputé pour certains de ses films à l'univers visuel très marquant. Capable du meilleur avec Dark City (regardez ce film, vous ne le regretterez pas) ou The Crow, comme du pire avec Predictions ou iRobot, Proyas n'a certes pas une cinématographie parfaite mais on ne peut lui enlever le fait d'avoir un certain cachet, une patte inimitable. Comme pour les habitants de l’Égypte antique qui subissaient le jugement de l'âme après leur mort pour savoir s'ils étaient dignes d'accéder à la vie éternelle, il est temps pour Gods of Egypt de se soumettre au jugement des salles obscures afin de savoir si c'est la postérité ou l'oubli que le destin lui réserve.


Mythologie 2.0

Le royaume d’Égypte est gouverné par les Dieux. Ces derniers, dirigés par leur roi Osiris, cohabitent avec les mortels dans une ère de paix. Osiris, estimant qu'il a fait son temps, décide de passer le flambeau à son fils Horus afin qu'il prenne sa place. Seulement voilà, le couronnement grandiose normalement prévu va vite virer à la confrontation avec l'arrivée de Seth. Dieu du désert et frère jaloux d'Osiris, il n'a clairement pas l'intention de laisser les rênes du pouvoir à Horus. Seth tue Osiris, arrache les yeux d'Horus et s'autoproclame roi. Personne n'étant de taille à le défier, tout espoir semble perdu… à moins que Bek, un jeune voleur aussi efficace qu'intrépide, puisse changer le destin de l’Égypte en aidant Horus à récupérer ses yeux et à combattre Seth. Inutile de chercher une once de réalisme historique dans le dernier film d'Alex Proyas. Non, ici le réalisateur nous plonge dans une Égypte fortement inspirée de l’Égypte antique mais totalement fantasmée. Simple pays dans la réalité, l’Égypte est ici le seul et unique gigantesque royaume présent sur terre. Les Dieux ressemblent aux hommes sauf qu'ils sont beaucoup plus grands et que dans leurs veines coule de l'or au lieu du sang. Exit donc les dieux à tête d'animaux, cependant ceux de Gods of Egypt ont la capacité de se transformer, de revêtir une sorte d'armure leur octroyant une gigantesque puissance. Visuellement, c'est extrêmement réussi. Que ce soit l'armure dorée à tête de faucon d'Horus ou encore les ailes de Nephthys, le résultat rend vraiment très bien à l'écran et donne presque un côté futuriste à cette mythologie égyptienne 2.0. Et si les Dieux ont été réinventés, ils ne sont pas les seuls puisqu'il en va de même pour le royaume d’Égypte. Dès les premières minutes du film, on peut apercevoir une gigantesque cité où trônent une multitude d'immenses pyramides, un compromis entre des inspirations venant du réel et un côté surréaliste des plus efficaces.

L'impact visuel est encore une fois au rendez-vous chez Proyas et le film propose quelques fulgurances absolument géniales, comme cette vision de la terre qui est plate et où le soleil est une boule incandescente tractée par le vaisseau du dieu Râ. On sent vraiment qu'il y a eu un vrai travail à ce niveau là pour réussir à développer quelque chose d'aussi unique. Il faut dire que les effets spéciaux, de très bonne qualité, aident en plus grandement à donner vie à cet univers captivant. Et si le film impressionne via ses décors et son monde, les scènes d'action ne sont pas en reste. Efficaces et bien chorégraphiées, elles restent lisibles en permanence. De plus, quand les Dieux se battent, on ressent bien cette impression de « lourdeur », on sent que ce sont des personnages géants, d’où une certaine lenteur et une impression de puissance supérieure par rapport aux humains. Que dire des combats en armure, véritables ballets aériens, avec leur caméra virevoltante. Chaque dieu présente ses petites caractéristiques, par exemple les yeux d'Horus lui permettent de voir extrêmement loin et de ne jamais manquer sa cible, Thot est avide de savoir et a des centaines de doubles, Râ doit chaque nuit repousser le démon Apophis inlassablement… Le film propose sans cesse des trouvailles et elles font mouche en permanence.


Scénario et écriture 1.0 voir en beta.

Malheureusement, si Gods of Egypt s'en sort admirablement bien visuellement, ce n'est pas le cas de son scénario. Non pas que l'histoire soit très mauvaise, on a vu bien pire, mais disons que l'ensemble est bien trop convenu. Seth le méchant veut tout détruire, Horus le gentil doit gagner et pour cela il est aidé d'un mortel, un jeune voleur fou amoureux d'une fille pour laquelle il brave les Dieux grâce à l'amour qu'il lui porte. En conséquence il ne faut pas s'attendre à autant d'originalité dans le scénario du film qu'il y en a dans sa réalisation. Le tout reste simpliste : une histoire de vengeance, une histoire de destinée, une morale bon enfant. Si la première partie du film a de quoi faire légèrement peur au niveau du traitement des personnages, notamment avec un Bek cliché et insupportable, la sauce se met finalement à prendre à partir du moment où le jeune homme fait équipe avec Horus. Un duo prend forme et, rapidement, on sent une amitié naître. Cela donne lieu à plusieurs scènes comiques qui sont vraiment plaisantes à regarder et qui utilisent très bien la dualité homme/dieu. Et il y a bien d'autres personnages qui peuplent cette Égypte fictive, le casting du film est loin d'être repoussant. Nikolaj Coster-Waldau (Jamie Lannister dans Game of Thrones) est excellent en Horus, Gerard Butler (Leonidas dans 300) est charismatique dans le rôle de Seth et donne corps à un méchant pourtant fade dans son écriture, Elodie Yung (Elektra dans Daredevil saison 2) fait le job en déesse de l'amour, Chadwick Boseman (Black Panther dans Civil War) incarne un Toth plutôt rafraîchissant malgré un temps à l'écran réduit. Quant au jeune Brenton Thwaites, plutôt inconnu, il s'en sort au final très bien dans le rôle de Bek passant de personnage tête à claques à personnage drôle et attachant. Des personnages assez réussis… mais également très clichés et sans nuance. Chacun a un rôle, chacun représente un archétype et à aucun moment il n'en dévie. En résulte alors une histoire trop classique peuplée de personnages sympathiques mais peu originaux dans leurs traits de caractère donnant au film une impression de léger gâchis. Gods of Egypt est efficace mais sans surprise, le film est vraiment porté par son aspect visuel absolument aussi génial que très travaillé plutôt que par son histoire bateau et ses personnages stéréotypés. Avec un réel effort sur l'écriture, le tout aurait pu être infiniment meilleur et encore plus épique… Dommage !

 


Des dieux et des hommes.
Au final, il ne manque pas grand-chose à Gods of Egypt pour que le film soit vu autrement qu'un simple blockbuster bas du front destiné à en foutre plein les yeux. Malheureusement sa paresse au niveau de l'écriture, du scénario et du développement des personnages le condamne à ne jamais dépasser le statut de film divertissant, bien foutu mais sonnant un peu trop creux. Et c'est vraiment dommage car visuellement, peu de films arrivent à délivrer quelque chose d'aussi fort. D'une inventivité folle, bourré de bonnes idées, Gods of Egypt s'impose comme une relecture fort réussie de la mythologie égyptienne. Certes cette dernière est un peu sacrifiée sur l'autel du grand spectacle… mais quel spectacle ! Bien loin de la catastrophe industrielle promise par certaines critiques, la dernière réalisation d'Alex Proyas s'impose, à défaut d'être un grand film, comme un divertissement réussi et agréable à regarder. C'est déjà pas mal !

 

 

Post publié par Damzé le 17/10/2016 04:59

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