Zone Dubitative

Edge of Eternity [Xbox Series X]

Il y a quelques temps, nous avions testé Sword & Fairy 7 (le test est à lire ici), un RPG atypique, sorte de Final Fantasy moderne venant de Chine. Aujourd'hui, nous allons aborder un cas tout aussi particulier avec Edge of Eternity qui est quant à lui une sorte de Final Fantasy mais à l'ancienne et made in France. Que des Français fassent du RPG n'est pas un fait rare, le studio Spiders l'a prouvé depuis maintes années et encore assez récemment avec le très plaisant GreedFall. Seulement ici, il ne s'agit pas d'un RPG dit occidental mais clairement d'un J-RPG se revendiquant de l'héritage des Final Fantasy de l’ère PlayStation première du nom ou encore de Dragon Quest, le tout développé par un petit studio dont c'est le tout premier jeu de cette envergure.

Disponible sur PC depuis un bon moment (notamment grâce à un accès anticipé), Edge of Eternity a récemment débarqué sur Xbox. Première bonne nouvelle : le jeu a droit à une version optimisée Xbox Series X|S. Deuxième bonne nouvelle : il est disponible dans le Xbox Game Pass. Alors est-ce que le jeune studio Midgar a su rendre un hommage vibrant aux J-RPG des années 90 sans pour autant tomber dans la copie ou est-ce qu'il s'est cassé les dents sur un projet trop ambitieux ? C'est ce que nous allons voir avec cette version obtenue par nos soins.

 

Plus qu'un hommage ou qu'une copie

Le monde d'Heryon est en guerre. D'un côté, il y a les natifs de cette planète qui vénèrent des dieux et utilisent la magie. De l'autre, les archélites qui utilisent des machines très avancées d'un point de vue technologique. Pris dans un conflit qui s'éternise, les deux camps essaient mutuellement de s'annihiler au cours de batailles toujours plus meurtrières. Jusqu'au jour où un mystérieux mal fait son apparition : la corrosion ou fièvre du métal. Rongeant lentement mais sûrement les individus touchés, la maladie semble incurable. Un mal que les habitants d'Heryon attribuent aux archélites. Daryon, jeune soldat au front, décide de déserter quand sa sœur, prêtresse d'un ordre religieux, lui annonce que leur mère est atteinte par la corrosion. Ensemble, ils ont bien l’intention de parcourir le continent afin de trouver un moyen de la sauver.

En général, quand on entend parler d'un jeu pour la première fois, on se forge assez vite une image de ce qu'il va être, quitte à ce que cette dernière soit parfois clichée. Concernant Edge of Eternity (EoE), on pouvait s'attendre à un petit RPG sympathique, pas trop vaste, mettant en avant sa narration et son univers pour combler son manque de moyens comparé aux mastodontes du genre. A l'arrivée ? Rien de tout ça. S’il y a bien une chose dont EoE ne manque pas, c'est d'ambition... Il en a même peut-être trop mais nous y reviendrons plus tard. Focalisons-nous d'abord sur les bonnes surprises que le jeu réserve, à commencer par son univers accrocheur. Doté d'un lore assez riche, EoE nous dévoile moult factions, personnages et lieux marquants. Le continent Astryen, que le joueur va parcourir, va se révéler très plaisant à découvrir avec sa grande variété de décors et son bestiaire extrêmement diversifié. Et si le titre ne rivalise pas visuellement avec les derniers gros AAA du genre, sa direction artistique très inspirée rattrape le coup. Voir la nuit étoilée et son ciel peuplé de différentes planètes lointaines, traverser un désert aride ou une jungle luxuriante ou encore découvrir la ville très cyberpunk de Tyr Caleum reste un plaisir pour les joueurs avides d'aventure et de découverte. Le jeu se présente sous la forme d'un open world, assez vaste mais bien maîtrisé. Pas de remplissage inutile, des régions de taille respectable, des points de téléportation bien placés et une map qui se dévoile petit à petit. Tout est fait pour que le joueur découvre le monde à son rythme de manière graduelle.

On aurait aimé que le même soin soit accordé aux personnages. Ce n'est malheureusement pas le cas. Si les personnages principaux sont réussis, avec un chara design assez plaisant et des personnalités bien marquées, ce n'est clairement pas le cas des personnages secondaires et le problème c'est que ça se voit beaucoup trop. Si les personnages jouables ou importants bénéficient de modèles très détaillés et d'avatars dessinés en 2D pour les dialogues non doublés, les autres font vraiment cheap à côté avec des modélisations sommaires qu'on croirait presque générées aléatoirement. Pour en revenir aux personnages jouables, il est bon de noter que leurs dialogues utilisent un ton moins "pompeux" que les J-RPG habituels avec des protagonistes qui parlent comme nous le ferions, sans verser dans les grands discours sur l'amitié ou le sauvetage du monde. Certains échanges sont même assez savoureux et/ou drôles.

Mais que serait un J-RPG sans un bon système de combat ? Rien. Et ça tombe bien car c'est sûrement à ce niveau-là que EoE surprend le plus. S'inspirant majoritairement de Final Fantasy (période PS première du nom) et Dragon Quest, EoE utilise plusieurs éléments en provenance de jeux cultes et arrive à les mixer pour obtenir un résultat très efficace. Premièrement tout se passe au tour par tour avec un système de jauge qui se remplit (la fameuse jauge ATB de FF VII) pour déterminer l'ordre d'entrée en action des héros et des adversaires. Ensuite on choisit ses actions entre attaque, objets, magie, etc. Une magie gérée via les armes sur lesquelles on peut greffer des gemmes. Ce sont ces dernières qui déterminent les sorts/capacités utilisables et les boosts de stat. Mieux, on peut également faire fusionner ces gemmes entre elles pour les rendre plus puissantes. En gros, elles se présentent comme une forme plus évoluée des matérias de FF VII et c'est une franche réussite. Mais ce n'est pas tout, la notion de placement est également très importante. Une fois un combat engagé, le champ de bataille se retrouve délimité en différentes zones appelées nexus et le placement de notre groupe de héros (quatre au maximum) est extrêmement important. Booster la vitesse de Daryon, très efficace à l'épée, lui permettra de pouvoir changer de nexus plus rapidement sans forcément laisser le temps à l'ennemi de réagir. Sélène, la magicienne du groupe, moins résistante que les autres mais pouvant attaquer à distance, aura tout intérêt à être placée en retrait afin que les ennemis ne puissent pas venir au contact. Arriver à passer derrière un adversaire permet de l'attaquer dans le dos, un gros avantage puisque toute attaque à revers se transforme en coup critique. Chaque personnage a sa spécialité, chaque ennemi a une ou plusieurs faiblesses élémentaires, chaque boss nécessite un minimum de tactique, ce qui fait qu'au final les combats de EoE sont non seulement réussis mais aussi très prenants. Optimiser ses gemmes, crafter des armes plus puissantes, booster ses héros, pour ceux qui aiment les systèmes de combat bien conçus et la gestion d’un groupe, le jeu est un régal et vous risquez de passer des heures le nez plongé dans tout ça.

De plus, le tout se veut accompagné de très belles musiques ainsi que de deux doublages : anglais et japonais. Si le doublage anglais est correct, sans plus, le doublage japonais se veut vraiment réussi et plus accrocheur. Une bonne idée de plus de Midgar Studio qui l'a rajouté en cours de route. Il résulte de tout ça un jeu qui, malgré des hommages apparents, propose une forte identité, un lore réussi et un système de combat aux petits oignons.

 

Entre faux pas et erreurs de jeunesse

EoE se débrouille donc remarquablement bien dans les domaines sur lesquels on ne l'attendait pas forcément (notamment les combats). Curieusement, il se plante un peu ailleurs et plus particulièrement sur son scénario et sa narration. L'histoire, si elle n'est pas mauvaise, reste un peu trop conventionnelle et peine vraiment à être efficace sur la durée. Le premier souci est que, après une intro plutôt réussie, l'intrigue principale peine affreusement à démarrer. Après avoir été introduit dans un univers intéressant, le joueur va devoir faire face à une intrigue planplan qui va le balader de lieu en lieu sans raconter grand-chose. "Il faut que vous parliez à bidule qui est dans telle ville", "Ah vous êtes venus voir bidule ? Il n'est plus là mais il vous a laissé un message pour vous dire où le retrouver", "oui c'est moi bidule, vous voulez des réponses à vos questions ? alors dirigez-vous vers telle ville pour parler à machin". Bref vous voyez le genre et il faudra plusieurs dizaines d'heures de jeu avant que l'intrigue décolle vraiment sans jamais atteindre de véritables sommets à part dans le dernier tiers. Il en découle une narration assez décousue avec une quête principale qui, sur ses deux premiers tiers, semble plus là pour faire en sorte que le joueur se balade sur toute la map. Et il ne faut pas compter sur les quêtes annexes pour relever le niveau puisqu'à part quelques exceptions vraiment sympathiques, la plupart d'entre elles se résument à de la chasse aux monstres ou aux objets. C'est bien dommage car le jeu propose une grosse durée de vie (comptez 50-60 heures pour tout faire) et un challenge bien dosé mais certains décrocheront forcément avant la fin, surtout s' ils préfèrent la narration pure aux combats et à la découverte.

Ensuite, il faut revenir sur la technique. Si la DA est une réussite et que le jeu propose moult panoramas sublimes, tout ça ne cache pas tous les défauts techniques. Certaines textures sont assez vilaines, les personnages secondaires sont très en retrait, les animations sont un poil rigides, certains effets sont moyennement réussis et, de manière générale, le jeu est un bon cran en dessous des gros standards actuels. Rappelons tout de même que EoE est développé par un petit studio dont c'est le premier jeu de cette envergure et le premier RPG. On aura donc tendance à être moins sévère qu'avec un gros AAA ultra marketé. Surtout que, s’il est perfectible, le résultat final est loin d’être moche, bien au contraire. La version Series X permet de pouvoir jouer en 4K/60 fps même si quelques chutes de framerate (heureusement plutôt rares) trahissent une optimisation perfectible à certains endroits. Les temps de chargement, eux, sont très courts et se retrouvent réduits à quelques secondes.


Un résultat très encourageant pour un premier essai
Même s'il trébuche pas mal au niveau de sa narration et de son écriture et qu'il n'est pas une vitrine technologique, Edge of Eternity reste un RPG très accrocheur notamment grâce à un système de combat vraiment prenant et réussi. L'hommage aux J-RPG tels que Final Fantasy ou Dragon Quest est évident mais le jeu ne tombe jamais dans le plagiat ou la pâle copie. Avec sa solide durée de vie et son univers intéressant, Edge of Eternity pourra vous occuper de nombreuses heures pour un prix vraiment doux. Un peu balbutiant, il possède la fougue, l'ambition ainsi que les défauts d'un premier gros jeu. Des défauts que l'on pardonnera plus ou moins aisément en fonction de ses attentes sur ce qui concerne l'histoire principale et la façon dont elle est racontée. Reste que pour les amateurs de Dragon Quest et les nostalgiques de Final Fantasy VII, Edge of Eternity a de sérieux atouts à faire valoir et pourrait se transformer en véritable coup de cœur.

 

 

Post publié par Damzé le 06/10/2022 09:57

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