Zone Dubitative

Deus Ex Mankind Divided [PC]

Relancer une licence culte tombée en désuétude n’est pas chose aisée, c’est pourtant ce qu’avait tenté de faire Eidos en 2011 avec Deus Ex Human Revolution. Pari réussi puisque le jeu avait bénéficié d’un bon accueil de la part de la critique et des joueurs. Septembre 2016, nous retrouvons les mêmes développeurs aux commandes pour une suite nommée Mankind Divided. De quoi sera fait le futur ? L’humanité court-elle à sa perte ? Combien coute un bras en métal ?  Les augmentations cybernétiques feront-elles vraiment plus de mal à notre monde qu’Instagram et Snapchat ? Vous ne le saurez clairement pas en lisant ce qui va suivre.

Moitié homme, moitié robot. 100% la même chose.

An 2029. Nous sommes 2 ans après les évènements tragiques décris à la fin de Human Revolution. Contre leur gré, les gens augmentés ont été poussé à un excès de violence et ont ainsi tué ou blessé toutes personnes à proximité d’eux. Une catastrophe qui a profondément changé la société. Depuis, les augmentés sont traités comme des parias, la colère gagne de plus en plus l’opinion publique et les violences augmentent en même temps que l’oppression. Le climat mondial est extrêmement tendu et la moindre étincelle pourrait suffire à embraser la planète entière.

Au milieu du chaos ambiant, nous nous retrouvons une nouvelle fois dans la peau d’Adam Jensen qui travaille désormais pour la Task Force 29, une unité spéciale d’Interpol spécialisée dans la lutte contre les terroristes augmentés. A la suite d’une mission qui semblait banale, Jensen et son unité vont tomber nez à nez avec un mystérieux groupe. Qui sont-ils ? Quel est leur but ? Ce sera au joueur de le découvrir manette en main.

Vous aviez apprécié Human Revolution ? Alors bonne nouvelle, Mankind Divided vous propose une nouvelle dose d’action/infiltration futuriste du même acabit. Des l’intro qui prend la forme d’une mission/didacticiel, on retrouve ce bon vieux Adam. Le gameplay, les augmentations, le level design très ouvert, tout est là. C’est un peu comme enfiler sa vieille paire de pantoufle ultra confortable sauf que là elles ont l’air neuves… et c’est un peu ça le plus gros souci du jeu. Que les développeurs rechignent à changer une formule qui fonctionne est tout a fait compréhensible, le problème c’est qu’à part quelques nouvelles augmentation à débloquer, ce Deus Ex se montre bien avare en vraie nouveautés. Le feeling reste donc le même avec des gunfight sympathiques mais manquants cruellement de pêche et de la furtivité un peu trop téléguidée par un gameplay manquant un poil de souplesse, le tout dans de grands niveaux ouverts proposant plusieurs cheminements possibles. Des niveaux vastes agréables à parcourir mais qui disposent toujours d’un level design particulier avec, entre autres, le retour des fameuses grilles d’aération d’une taille disproportionnée présentes tous les 10 mètres. Oui ça fonctionnait dans Human Revolution mais force est de constater que le fait d’infiltrer un complexe ultra sécurisé en empruntant une grille d’aération nous faisant débarquer pile poil dans une salle avec le bon ordinateur à pirater passe beaucoup moins bien aujourd’hui. Le level design est-il réussi ? Oui. Est-il cohérent ? Là en revanche la réponse est clairement non. Nous sommes dans le futur, il y a des lasers pour la détection, des gardes, des tourelles automatiques, des robots et des caméras… et donc de grandes grilles donnant accès à des conduits d’aération géants de presque 1 m de haut dépourvus de tout systèmes de sécurité. Evidemment, ça ne gênera pas tout le monde mais niveau suspension d’incrédulité ça se pose quand même là, le trip full futuriste/furtivité prend du plomb dans l’aile.

Attention, ça reste agréable à jouer mais ça ne surprend pas, jamais. Que le jeu conserve la recette du premier à la virgule prêt n’est pas un drame, c’est juste décevant, surtout vu le temps de développement mais là ou le bât blesse et ou l’on aura bien du mal à excuser les développeurs, c’est quand on s’attaque au scénario et aux personnages. Déjà pas le point fort de Human Revolution, l’histoire de Mankind Divided se paye le luxe d’être aussi peu passionnante et pas mieux racontée que celle de son prédécesseur. La mise en scène n’est pas folichonne, les personnages sont caricaturaux et manquent de charisme (Adam compris), ça met du temps à se lancer et quand on a enfin l’impression d’avancer, bim ! La fin nous tombe sur la tronche comme un gigantesque coup de massue. C’est rushé, prévisible et surtout c’est encore un cliffhanger grossier que seule une série comme The Walking Dead oserait encore tenter. Le résultat ? Une histoire bien moyenne, parfois ennuyeuse, au cours de laquelle on devine à l’avance qui sera le méchant et quels seront les twists. Un scénario principal qui peine tellement à passionner par moment qu’il se fera carrément voler la vedette par certaines quêtes annexes dotées d’une ambiance et d’une histoire souvent plus couillues (comme celle du serial killer par exemple).

Pourtant l’univers du jeu a des choses intéressantes à raconter. La ville de Prague qui sert de hub géant entre les missions principales est un régal aussi bien visuellement qu’en termes d’ambiance. Panneaux publicitaires, néons, police futuriste surarmée, drones, quartiers clean, quartiers crades, même dans les égouts il se passe des choses. Sur sa route, le joueur trouvera en plus moult journaux et autre petits détails qui viendront nourrir et enrichir un univers vraiment très travaillé et accrocheur. Le futur décrit par ce Deus Ex est aussi hypnotique et fascinant qu’il est inquiétant, inquiétant car plausible. A travers les augmentés, c’est aussi la comparaison avec d’autres tranches d’individus maltraitées de notre société actuelle qui est habilement faite. Mais comme maudit, comme si le jeu était destiné à ne jamais vraiment briller dans aucun domaine, même cette Prague futuriste que le joueur peut arpenter librement finit par décevoir. Pourquoi ? En premier lieu à cause de son manque de vie flagrant. Si l’illusion fonctionne pendant les premières heures, ce n’est clairement plus le cas au bout de 30. Oui il y a des habitants et la police dans les rues mais ils sont figés, comme coincés dans le temps. Le mec avec son bonnet à tel endroit ne bougera jamais et restera planté là à radoter les mêmes phrases ad nauseam. Rien ne bouge, rien ne semble vivant. Deuxième souci, le découpage de la ville. Cette dernière, qui n’est pourtant pas extrêmement vaste, se paie le luxe d’être découpée en 2 grosses parties séparées. Jusque là, rien de grave sauf si cette séparation veut dire temps de chargement lourdingue. Et à ce niveau là, nous sommes servis. De mémoire, rarement un écran de chargement n’aura semblé si long et pénible. Le pire dans tout ça c’est que les développeurs ont prévu des quêtes de manière à ce qu’elles nous fassent naviguer entre les 2 parties. Imaginez le topo : vous parlez à un individu A dans la première zone, il vous dit qu’il faut aller parler à un individu B situé dans la deuxième, vous traversez la ville, vous vous tapez le chargement lourdingue, vous rencontrer l’individu B de la deuxième zone pour un dialogue d’une minute, vous devez retourner dans la première zone, vous retraversez la ville, nouveau chargement lourdingue, poursuite de la quête. Oui ça à l’air pénible et ça l’est… et surtout ce n’est pas rare, ça ne va pas arriver qu’une seule fois. Dans ces conditions, dur de pardonner aux développeurs cette cassure de rythme et ces dizaines de minutes perdues à marcher et poireauter devant un écran de chargement pour parler à un PNJ souvent insignifiant.

 Trop sévère ?

C’est sans doute ce que se diront certains après avoir lu le paragraphe précédent. Et pourtant le jeu n’est pas mauvais, loin de là. Si vous n’avez pas touché à Human Revolution, vous risquez même d’être agréablement surpris mais le fait que Mankind Divided soit une suite doit être pris en compte, encore plus quand il s’agit d’une suite ultra paresseuse. Les petits gars de chez Eidos Montréal ont eu des années pour peaufiner leur bébé, pas d’annualisation de la licence, pas de cycle de 2 ans, moins de pression qu’un gros mastodonte en mode arlésienne comme peut l’être un Final Fantasy XV et pourtant, mon dieu que cette suite est flemmarde. Pendant la grosse trentaine d’heures de jeu nécessaire pour terminer un premier run, à aucun moment ce Deus Ex n’arrive à surprendre. Aucune surprise et surtout aucune prise de risque, la recette est exactement la même, on retrouve chaque ingrédients au même endroit et en même quantité, les bons comme les mauvais. Hormis l’aspect graphique, on pourrait presque faire un jeu des 7 erreurs entre Human Revolution et sa suite. Ajoutez à cela un système de DLC peu reluisant avec des items achetables ne fonctionnant que sur une sauvegarde et des morceaux de solo annoncés bien avant la sortie du jeu et vous obtiendrez un résultat loin d’être aussi flatteur qu’il aurait dû l’être. Trop sévère ? Pas si sur.


Deus Ex Players Divided.
Après la bonne surprise que fut Human Revolution, on attendait ce Mankind Divided à un tout autre niveau. A des années lumières de faire évoluer la formule de base, Mankind Divided se contente de la copier sans aucun génie et, pire, sans aucun risque. Ainsi cette suite conserve les mêmes qualités et les mêmes défauts que l’opus précédant et laisse un méchant arrière gout de gâchis. Sorte d’œuvre bipolaire possédant l’ambiance fantastique d’un Blade Runner couplée à un scénario digne d’un téléfilm de Steven Seagal, ce Deus Ex nouveau déçoit énormément. On sent le potentiel de la licence, il est énorme et pourtant nous n’auront droit qu’a un Human Revolution bis en plus beau. Avec une telle méthode, ce sont surtout les joueurs qui vont finir divisés. Déjà pas énormes pour le premier opus, les ventes en demi-teinte de cette suite ne risquent malheureusement pas de pousser les développeurs à tenter une révolution de la formule. Sans être un mauvais jeu ou une catastrophe industrielle, Mankind Divided restera sans doute l’un des plus gros, si ce n’est le plus gros gâchis de l’année 2016. Si vous avez aimé Human Revolution, vous apprécierez également cette suite. N’en attendez juste pas trop d’elle. Vous pouvez par contre attendre une petite promo avant de sortir votre carte bleue pour acheter le jeu.

 

 

Post publié par Damzé le 13/10/2017 04:37

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