Better Call Saul [saisons 1 & 2]
Mesdames et Messieurs, bonjour, le procès va commencer. Veuillez vous assoir. A l’ordre du jour : L’affaire Saul Goodman et sa série Better Call Saul, série télé dérivée de Breaking Bad. Aux commandes de cette dernière, Vince Gilligan (créateur de Breaking Bad) et Peter Gould (un des scénaristes de Breaking Bad). Nous allons devoir déterminer si les 2 premières saisons valent la peine d’être regardées, si elles ne capitalisent pas uniquement la célébrité de Breaking Bad et si elles ne tombent pas dans la facilité, telles sont les accusations à contrer. La parole est donc à l’avocat de la défense, Maitre Damzé veuillez vous avancer.
It’s discreet, like a stripper pole in a mosque.
Merci Monsieur le juge. Hum. Mesdames et messieurs les jurées, je suis effectivement là pour défendre mon client mais avant de commencer, j’aimerais que vous en sachiez un peu plus sur lui. Janvier 2008, la chaine américaine AMC (qui diffuse notamment The Walking Dead) lance Breaking Bad. Cette série nous raconte les mésaventures de Walter White, professeur de chimie surqualifié qui, atteint d’un cancer en phase terminale, va décider de bafouer la loi en se lançant dans la fabrication de méthamphétamine afin de mettre de l’argent de côté pour sa famille quand il ne sera plus là. 5 saisons plus tard, Breaking Bad se terminait sur les chapeaux de roue et avec le statut de série culte. Au cours de son long périple, Walter White a croisé bon nombre d’individus suspects, extravagants, dangereux quand ce n’est pas tout ça à la fois … et parmi eux, un certain Saul Goodman, un avocat totalement véreux (joué par Bob Odenkirk). Et c’est l’histoire de ce personnage que Better Call Saul va nous raconter. La série se passant avant Breaking Bad, elle fait donc office de spin off mais également de préquel.
James « Jimmy » McGill est un mec un peu paumé. Spécialisé dans les coups foireux et les petites arnaques et doté d’une tchatche à toute épreuve, il se contente de vivoter jusqu’au jour ou il termine en prison pour attentat à la pudeur. Son frère Chuck, brillant et célèbre avocat de la firme HHM, va le sortir du pétrin et même lui obtenir un petit job dans son cabinet. Jimmy va alors se débrouiller pour obtenir son diplôme d’avocat et en faire son métier. Il va ainsi débuter comme petit avocat commis d’office sous-payé. Seulement voila, on ne se refait pas et Jimmy, soucieux de se faire une place au soleil dans ce milieu, va vite reprendre ses vieilles habitudes et utiliser des méthodes pour le moins originales afin de contourner les lois, des méthodes qui le conduiront dans des situations folles, improbables et parfois dramatiques. Mensonges, fricotage avec des gangsters complètement barrés ou encore arnaques orchestrées de main de maitre, bienvenue dans la vie de Jimmy McGill.
Premier constat, Vince Gilligan n’a rien perdu de son talent en ce qui concerne le développement des personnages. Suivre les péripéties de Jimmy, assister aux évènements les plus marquants de sa vie, le voir glisser peu à peu vers le personnage de Saul Goodman est un vrai régal. La psychologie du personnage, les raisons qui le poussent à agir ainsi, ses états d’âme, ses contradictions … tout est passé à la loupe afin qu’aucune facette ne nous échappe. Aidez par la prestation sans faille d’un Bob Odenkirk plus que jamais à l’aise dans son rôle, la série donne une véritable leçon sur comment traiter ses protagonistes. Un soin et une richesse du détail appliqué à tous les personnages importants. Que ce soit Chuck le frère de Jimmy, Kim son amie avocate ou encore l’ex flic usé Mike (que ceux qui ont regardé Breaking Bad connaissent bien), tous bénéficient d’une qualité d’écriture irréprochable et sont portés par des acteurs très talentueux. Chacun de leur arc narratif s’intègre de manière parfaite dans la vie de jimmy ou dans l’univers de Breaking Bad/Better Call Saul telles les pièces d’un puzzle complexe qui prend de plus en plus de sens à mesure que le scénario évolue. Et quel scénario messieurs les jurées ! Rarement une série aussi bien écrite, aussi peaufinée n’aura été diffusé. Comme dans Breaking Bad, absolument rien n’est laissé au hasard. Chaque action, chaque péripétie étend ses ramifications toujours plus loin et nous distille au compte goutte une histoire à la fois captivante, drôle, tragique et émouvante.
Better call Saul est une série au rythme lent et ce n’est clairement pas un défaut. Ce rythme est nécessaire, primordial même afin de mettre en place l’ambiance incomparable dégagée la nouvelle création de Vince Gilligan. Si certains épisodes sont essentiellement basés sur les dialogues (absolument brillants), d’autres seront au contraire chargé en évènements et situations cocasses mais il y aura toujours ce rythme un peu lancinant, un rythme duquel le spectateur peut s’imprégner. Regarder Better Call Saul, c’est être plongé dans son univers ultra immersif, c’est assister à une évolution certes lente mais extrêmement détaillée de son personnage principal. Et si à la fin de la saison 2 Jimmy est encore bien loin de s’être transformé en Saul, on commence à voir le chemin et les épreuves qui le conduiront à devenir cet avocat embourbé jusqu’au cou dans les magouilles criminelles. Les graines du mal sont plantées et comme dans Breaking Bad ou encore The Shield, nous assistons à la lente chute d’un individu qui malgré tous ses efforts n’arrive pas à changer.
Don’t drink and drive but if you do, call me.
Ecriture impeccable, scénario béton, acteurs irréprochable, Better Call Saul semble avoir toutes les qualités … et c’est encore plus vrai quand on parle de sa réalisation. Que ce soit en termes de mise en scène, de photographie, de montage, la série nous propose quelque chose de haut vol ! Le traitement est clairement cinématographique, la qualité de l’image, le jeu de couleur, tout est précis, tout est parfait. Comme dans Breaking Bad, les plus attentifs remarqueront moult petits détails disséminés ça et là comme autant de clins d’œil aux spectateurs les plus pointilleux. La mise en scène fait tellement sens qu’elle renforce en permanence le propos de la série, elle en devient presque un personnage à part entière. On pourrait citer en exemple une scène ou Mike à une partie du visage tuméfiée. Dans son appartement, devant les dessins de sa petite fille, sous la lumière d’une ampoule, on ne voit que la partie normale de son visage et on découvre plusieurs minutes après qu’il s’est fait frapper. Plus tard, changement de cadre. Lieu désert, rendez-vous louche, individu peu recommandable en face et là le jeu de lumière est plus sombre et seule la partie tuméfiée du visage de Mike est visible. Cette opposition bon/mauvais, vie normale/situation tendue, se retrouve intensifié par la réalisation et ce genre d’attentions sont monnaie courante au cours des 2 saisons.
Si Breaking Bad est souvent citée en référence, n’allez pas croire pour autant que Better Call Saul n’en est qu’une vulgaire copie. Absolument pas, le ton, l’ambiance, le propos, tout est différent. Les seuls points communs restent la qualité du scénario et du développement des personnages ainsi que le soin apporté à la réalisation. Inutile d’espérer croiser Walter White. Cependant les 2 séries étant liées, les fans seront aux anges quand ils recroiseront de vieilles connaissances notamment Mike (dont l’arc narratif au cours de la saison 2 est vraiment excellent) mais pas seulement. Inutile d’en dire plus, ce serait criminelle de spoiler mais Better Call Saul démontre clairement qu’elle a les épaules pour être le préquel de Breaking Bad et l’utilisation des personnages communs aux 2 séries fait sens en permanence et est totalement justifiée via l’histoire. Quand aux nouveaux protagonistes, ils sont vraiment très intéressants. Que ce soit Chuck au travers de sa relation très conflictuelle avec Jimmy ou encore Kim, son amie qui essaie toujours de le ramener dans le droit chemin tout en étant un peu fascinée par le côté mystificateur du futur Saul, ils prennent tous de l’ampleur très vite et n’ont rien à envier au personnage principal niveau traitement.
Un mot également sur la musique, toujours très bien choisie, toujours très bien utilisée comme au début de l’épisode 8 de la saison 2 ou l’on assiste à un passage de camion aux frontières via un plan séquence absolument génial sur lequel le morceau utilisé s’accorde à la perfection. Non vraiment messieurs les jurées, mon client est très dur à prendre en défaut.
La loi nous oblige à faire ce qui est dit et non ce qui est juste, ne l’oubliez jamais.
Post publié par Damzé le 18/04/2017 12:57
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