Zone Dubitative

Batman v Superman : L'aube de la justice

Il y a des combats qui sont voués à marquer leur époque, des affrontements dont la portée dépasse le stade du simple échange de coups. De tout temps, ils ont été évoqués sous différentes formes. Que ce soit l’archange Saint Michel terrassant le dragon ou David contre Goliath, ces duels ont toujours mis en avant le clash entre des forces opposées afin de leur donner une portée iconique et mythologique. Le faible contre le fort, l’homme contre le divin, le saint contre le mal, on peut retrouver des traces de ce genre d’oppositions dans beaucoup de récits allant du simple conte pour enfant jusqu’aux comics. C’est ce que Zack Snyder tente de nous proposer en partie à travers son Batman v Superman qui fait s’affronter les deux super héros les plus connus au monde. L’affiche est monumentale, le défi de taille car le fantasme de voir les membres de la Justice League en venir aux mains est longtemps resté un rêve voué à être retranscrit uniquement via des planches de BD. Alors qu’il venait de dépoussiérer de fort belle manière un Superman vieillot grâce à Man of Steel et que tout le monde s’attendait à une suite, Zack Snyder s’est retrouvé aux commandes de ce qui fut sans doute l’un des films les plus attendus (en tout cas pour les fans de comics). Le fait que la Warner, détentrice des droits DC au cinéma, soit obsédée par le succès de Marvel et son MCU n’est pas quelque chose de nouveau. La précipitation et l’impatience dont elle fait preuve peuvent en revanche devenir inquiétantes. Là où Marvel a pris le temps de fournir moult films solo avant d’accoucher d’un Avengers, DC dégaine un film avec plusieurs héros à l’affiche directement dès le deuxième opus. Etendre et construire les bases du DCEU (DC Extended Universe, le MCU de DC), introduire un tout nouveau Batman, continuer de faire évoluer Superman et mettre en place les prémisses de la Justice League… telles sont les tâches ardues dont Snyder a hérité. Une pression énorme, de la hype par camion, une attente démesurée, Batman v Superman avait tout du projet casse gueule où la moindre faute peut être absolument fatale. Un film aussi attendu peut-il vraiment faire l’unanimité ? Clairement pas. À l’heure actuelle, Batman v Superman est sans aucun doute le film de super héros le plus clivant jamais sorti. Les forums ont pris feu, les débats ont été houleux mais à l’arrivée et après avoir pris un peu de recul sur le film, que vaut-il vraiment ? Est-il la confrontation mythique annoncée ou juste une arnaque de luxe du genre Mayweather vs Pacquio ? Faites chauffer la Batmobile, nous partons pour une virée nocturne agitée entre Metropolis et Gotham !

That’s how it starts. The fever, the rage, the feeling of powerlessness that turns good men… cruel.

Metropolis. Dans le ciel, Superman affronte Zod, les dégâts sont colossaux, les morts se comptent par milliers, la scène est apocalyptique. Aux sols, les gens regardent… tétanisés. Le monde vient de changer. 18 mois plus tard, le cas Superman est sur toutes les lèvres. Sauveur providentiel ou destructeur ? Doit-il répondre de ses actes ? Doit-il être contrôlé… peut-il seulement l’être ? Alors que les débats font rage, un dénommé Lex Luthor sort de l’ombre et semble être obsédé par le kryptonien. Il s’emploie d’ailleurs à essayer de convaincre certaines personnes haut placées de l’utilité de créer un moyen de stopper Superman. Pendant ce temps à Gotham, Bruce Wayne voit d’un très mauvais œil l’arrivée d’un pseudo sauveur quasi invincible. Homme d’affaires milliardaire le jour, il devient Batman à la nuit tombée afin de lutter contre le crime. Inquiet de voir que Superman ne peut être contrôlé et ayant vu de quoi il était capable, suspicieux à l’égard de Luthor, il se décide lui aussi à entrer en scène. Alors que la tension monte autour d’un Superman dont les actes divisent les foules, les nuits deviennent le terrain de chasse d’un Batman prêt à franchir toutes les limites afin de préserver le monde. Le face-à-face semble inévitable.

Dès les premières minutes du film, l’une des plus grandes craintes est écartée. On était en droit de douter, d’avoir peur concernant l’aspect univers étendu, l’introduction de Batman, etc., or il n’en est rien. Snyder reprend la fin de Man of Steel, plus précisément le combat Zod contre Superman, afin de nous le faire revivre du point de vue des victimes, de ceux qui le subissent. De cette idée découle deux choses extrêmement importantes. Premièrement une impression de cohérence salvatrice. Nombreux ont été ceux qui avaient fustigé Man of Steel car les dégâts et les répercutions du combat final semblaient inexistants. Snyder fait disparaître ce reproche dès le début tout en prouvant qu’il avait bien une vision sur le long terme concernant Superman et que la fin de son précédent film n’était pas qu’un « destruction porn » simpliste. Le lien entre Man of Steel et Batman v Superman (que nous abrègerons en BvS à partir de maintenant) est ainsi introduit d’une manière des plus réussies. Deuxièmement, l’impact de cette scène fera office de solides fondations pour la suite du film et son propos car elle est essentielle. La séquence est marquante visuellement et ne manquera pas d’évoquer dans certains esprits les images dramatiques d’événements réels comme les attentats du 11 septembre. Ce que l’on trouvait cool et badass dans Man of Steel est ici totalement déconstruit pour nous montrer l’envers du décor d’une bataille de super héros, dans le cas présent les dégâts collatéraux, les morts, la panique et surtout l’impuissance. L’impuissance, ce sentiment d’être littéralement écrasé, la frustration de ne rien pouvoir faire/contrôler, va être l'un des points centraux permettant de faire monter la tension entre Batman et Superman. Car au milieu de la foule qui assiste paralysée et apeurée à ce combat cataclysmique se trouve un certain Bruce Wayne… Même s’il est le fameux Batman, il va se retrouver cantonné au rôle de spectateur impuissant. Un événement qui va profondément le marquer et lui faire revivre son plus grand traumatisme qui est la mort de ses parents, en le repositionnant dans le rôle de la personne incapable de sauver des gens qui lui sont chers.

La mort des parents de Bruce sert d’ailleurs d’introduction au film et l’on y revit le meurtre de Thomas et Martha Wayne dans une allée, devant les yeux de leur fils. Une séquence très esthétique, marquante et qui termine de manière onirique avec la rencontre providentielle entre le jeune Bruce et une nuée de chauve-souris. À partir de là, les graines de la discorde sont semées, ce qui laisse à Snyder le loisir de faire monter une tension savamment dosée entre les deux super héros. Avec un Lex Luthor aussi mystérieux qu’habité par une folie destructrice en arrière-plan dans le rôle du marionnettiste, BvS va adopter un style et un rythme bien plus proches du thriller que du blockbuster super héroïque lambda. Un fait peu étonnant quand on sait que Snyder a également réalisé l’excellent Watchmen. Les deux films partagent d’ailleurs pas mal de similarités avec en premier lieu leurs univers résolument sombres et matures. A mille lieux du MCU et sa vision plutôt bienveillante, légère et optimiste, BvS nous propose un monde dans lequel chaque action a des conséquences réelles. L’aspect politique du film est d’ailleurs bien supérieur à la concurrence avec une constante remise en question concernant les activités de Superman. Exit les 15 minutes de parlote d’un Civil War perdues au milieu de 2h de baston sans réels enjeux. Ici les moindres faits et gestes de Superman sont examinés et il ne peut pas effectuer un sauvetage sans qu’on essaye de passer ses actions à la loupe. Idem pour Batman dont les méthodes extrêmes (nous y reviendrons) posent des problèmes éthiques à beaucoup de monde, dont le journaliste Clark Kent, l’alias de Superman pour se fondre parmi le commun des mortels, et surtout Alfred, le fidèle majordome des Wayne.

Tell me, do you bleed ? You Will !

Le monde scrute, le monde réagit et cela donne à l’écran l’impression de faire face à quelque chose de bien plus réaliste que ce à quoi nous étions habitués. BvS sonne à ce titre comme la vraie fin de la récréation en proposant une vision plus terre à terre, réaliste et cohérente d’une planète parcourue par des personnages surhumains, voire quasiment divins. Le traitement dont bénéficie l’univers de BvS, Snyder va également l’appliquer aux protagonistes de ce dernier avec en figure de proue le plus marquant et le plus attendu, Batman. Inutile de préciser que si votre Batman de référence est celui du dessin animé des années 90 ou celui des films de Burton ou même celui de Nolan, vous allez avoir droit à une sacrée surprise. Très éloigné des versions précédemment citées, le Batman made in Snyder est sombre, torturé, paranoïaque, désabusé et surtout usé. Oui usé car la version BvS du chevalier noir nous propose de découvrir un Bruce Wayne plus âgé et qui a à son actif plus de 20 ans de lutte contre le crime. Ce parti pris en fait un Batman très proche de celui présent dans l’excellent et culte « The Dark Knights Returns » de Miller (à lire ABSOLUMENT pour tout fan qui se respecte). Ici le justicier de Gotham est violent, très violent, et ses méthodes sont parfois extrêmes. Aux antipodes d’un Superman lumineux et porteur d’espoir, Batman symbolise la peur, il est littéralement le croque mitaine des criminels et n’hésite pas à torturer ces derniers ou à les mettre hors d’état de nuire de manière brutale. Doté d’un costume extrêmement réussi (sans doute le meilleur jamais vu à l’écran), Batman dégage dans le film une aura tellement menaçante qu’elle en deviendrait presque palpable.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la première scène où il apparaît nous est présentée à la façon d’un film d’horreur. Alors que deux policiers pénètrent dans un immeuble glauque, ils découvrent des jeunes femmes apeurées. Elles pourraient fuir mais elles refusent en indiquant que la chose qui les a libérées est encore présente sur les lieux pendant que des cris retentissent dans tout le bâtiment. L’ambiance est posée, Batman ne fait aucune concession et il est prêt à tout pour obtenir des réponses. Prêt à tout jusqu’à ce qui constituera un sacrilège pour certains… Dans BvS, il tue. Habituellement présenté comme l’une des devises du justicier de Gotham, le fait de ne prendre aucune vie n’est donc pas respecté. Beaucoup se braqueront à cause de ça et pourtant ça fait sens. Le Batman de BvS est usé et le film nous fait deviner via plusieurs indices (visuels ou dans les dialogues) que le personnage a perdu espoir et est devenu aigri à cause des épreuves qu’il a subies… et ça marche, c’est cohérent ! La version Bruce Wayne/Batman de BvS est clairement la meilleure et l’unes des plus travaillées jamais vues sur un écran. C’est vrai concernant le caractère et le charisme du personnage qui est interprété par un Ben Affleck absolument énorme dans son rôle mais ça l’est également au niveau action. Oubliez les Batman de Burton, Nolan, etc. où le héros semblait coincé dans son costume et encombré dans ses mouvements. Le nouveau chevalier noir est rapide, agile, très puissant et Snyder nous offre les meilleures séquences d’action jamais filmées concernant ce héros atypique redonnant ainsi au personnage toutes ses lettres de noblesse.

On ressent enfin le côté surpuissant de ce super héros qui, malgré le fait qu’il n’ait pas de pouvoirs, reste une véritable machine de guerre. Enfin il est bon de noter que l’utilisation de la Batmobile et des gadgets est parfaite. Forcément, à côté d’un tel Batman, il est difficile d’exister et le Superman campé par Henry Cavill peut sembler parfois à la peine même si le travail effectué sur lui reste bon. Plutôt confiant au début du film, il va vite se mettre à douter. Réellement affecté par les conséquences de ses actes, par les critiques et par les manipulations visant à le faire passer pour un être dangereux, le personnage est bien loin du boy scout sûr de lui et parfait en provenance des anciens films. Ceux qui n’ont pas aimé ce qu’en avait fait Snyder dans Man of Steel ne changeront pas d’avis. Les versions alternatives de personnages connus qui ne font pas l’unanimité semblent être une constante dans le DCEU et ce n’est pas avec Lex Luthor que cette tendance va s’inverser. Exit le génie du crime chauve et chevronné, Lex est ici un génie certes mais totalement instable. Semblant parfois basculer dans la folie et plus proche d’un Joker que d’un Luthor, Lex est un jeune homme torturé complètement à la merci de son obsession pour Superman, les technologies extraterrestres et de ce que leur arrivée sur notre planète implique. Sa vision d’un monde dépourvu de diable dans lequel Superman serait une sorte de dieu illégitime voué à être détruit par l’homme afin de rétablir un équilibre est d’ailleurs plutôt intéressante. Si la prestation de Jesse Eisenberg est convaincante, la caractérisation du personnage en choquera certains, qui auront bien du mal à voir en lui la Némésis ultime de Superman.

You’re not brave. Men are brave.

Qu’on accroche ou pas à la vision de Snyder, il faut bien avouer que beaucoup de risques ont été pris sur ce film et c’est quelque chose à saluer. Nous avions peur que le nouveau Batman ne soit pas à la hauteur, peur que l’univers DC soit fait à la va vite, il n’en est rien. Mais s’il y a un aspect sur lequel BvS se devait également de ne pas décevoir, c’est bien entendu le combat entre Batman et Superman… et là encore le pari est réussi. Certes la scène n’est pas extrêmement longue et se fait languir puisqu’elle n’arrive qu’au bout de deux heures de film, mais elle est à la hauteur de ce que l’on était en droit d’attendre. Basée sur les désaccords entre les deux héros, attisée par les manipulations de Lex Luthor, la bataille tient ses promesses. Visuellement, c’est parfait. Il fait nuit noire, il pleut, le Batsignal déchire le ciel pendant qu’un Superman flottant dans les airs, cape au vent, fait face à un Batman enfermé dans une armure, les deux pieds solidement ancrés au sol. Les adversaires ne se font aucun cadeau et donnent vraiment le sentiment que tout ça peut très mal finir pour l’un comme pour l’autre. La tension est immense et la mise en scène, grandiose, achève de donner à cet affrontement toute la portée iconique et même mythologique qu’il mérite puisqu’à l’écran la symbolique est très forte. Ce n’est pas juste Batman contre Superman, c’est aussi l’homme contre Dieu. L’aspect christique de Superman est d’ailleurs constamment mis en avant tout au long du film, notamment via certains plans sublimes où il est introduit telle une apparition divine ou en train d’être vénéré par des gens voulant simplement le toucher. Encore une fois tout le contraire d’un Batman craint qui est conscient d’être considéré comme un criminel par une partie de l’opinion publique.

Bref, le contrat est rempli visuellement parlant mais c’est également le cas en ce qui concerne les autres aspects. Les courts dialogues font mouche, plus particulièrement les punchlines d’un Batman rempli de colère, jusqu’au climax final où le combat stoppe net grâce à une tournure scénaristique bien vue. Un twist que l’on ne voit pas venir et qui fait absolument sens. Sans le dévoiler, disons qu’il renvoie encore une fois Batman à son traumatisme d’enfance et lui fait prendre conscience qu’en voulant tuer Superman, il se retrouve à la place de l’agresseur dans la ruelle, celui qui menaçait ses parents, celui qui menaçait des innocents et qui allait briser une famille. Une prise de conscience suffisamment forte pour justifier l’arrêt des hostilités. Bien sûr ce n’est pas parfait et c’est exécuté un peu trop rapidement mais ça reste efficace et cohérent. S’en suit alors une alliance qui ne laisse présager que du bon pour la suite. Nous sommes à 2h20 de film et il reste 40 minutes pour boucler l’intrigue. Si toute la première partie de BvS peut s’apparenter à un thriller super héroïque, la deuxième bascule dans l’action et revient à des choses bien plus habituelles. Des choses malheureusement moins réussies et sur lesquelles nous nous attarderons plus bas. Mais avant de parler de ce qui fâche, terminons de parler de ce qui fait plaisir. Et à ce sujet comment ne pas citer la réalisation de Zack Snyder qui est tout simplement virtuose ! C’est beau, c’est maîtrisé, c’est très recherché et c’est sans doute le film de super héros qui transpire le plus les comics. Il suffit de faire pause sur chaque scène marquante pour se retrouver face à une image qu’on croirait directement sortie d’un comic book, Snyder allant même jusqu’à recréer certaines planches via des plans absolument bluffants. Clairement, on sent que le réalisateur a tout compris concernant son sujet et son matériau de base. Comme dans Man of Steel, il nous prouve une fois de plus qu’il est indiscutablement le meilleur quand il s’agit de retranscrire à l’écran toute la puissance de ces héros ainsi que leur côté iconique. Un véritable travail créatif de haut vol et totalement à la hauteur des deux têtes d’affiche du film.

You were never a god… you were never even a man.

Seulement voilà, à l’image de son Superman, le film doute et finit par se planter dans son ultime arc. Pour ceux qui ne connaissent pas Doomsday, qui fait office d’adversaire final, sachez que c’est une créature ultra puissante. Premier ennemi de Superman à avoir réussi à le tuer à la force de ses poings dans les comics, il a la capacité de s’adapter aux dégâts qu’on lui inflige afin d’en être immunisé, le rendant ainsi virtuellement invulnérable. Premier mauvais point, le visuel du monstre. Sans doute afin d’amoindrir le budget effets spéciaux, on constate immédiatement que Doomsday ressemble étrangement à un troll du Seigneur des Anneaux. Quand on sait que c’est la Warner qui a produit les deux trilogies de Peter Jackson, le doute n’est plus permis : il y a eu récup’. De quoi être déçu car du coup ce Doomsday version cinéma se veut beaucoup moins impressionnant, même si niveau puissance/destruction il reste raccord avec les comics. L’affrontement est énorme, écrasant et encore une fois la destruction engendrée semble sans limite mais force est de constater que c’est moins maîtrisé et réussi que le combat Zod/Superman de Man of Steel. De plus, les origines de Doomsday ont un côté rushé, ce qui ne permet pas au super vilain d’obtenir l’ampleur qu’il mérite. Il se retrouve donc relégué au rang du méchant qui est uniquement là pour se taper avec les héros car Lex Luthor étant un simple homme lambda sans capacité combative, il en est incapable. Un peu comme si à la fin d’un jeu vidéo, après avoir battu le big boss, on nous balançait un boss surprise super dur sorti de nulle part. Il y avait mieux à faire et même la surenchère visuelle du combat, ainsi que la fin réussie et couillue, ne rattrapent pas totalement cette dernière partie décevante par rapport à la première.

Autre souci et on touche là au problème majeur qu’ont tous les films de ce genre : ils ont beaucoup trop de choses à raconter en peu de temps. BvS ne déroge pas à la règle et se montre bien trop ambitieux, même pour une durée de trois heures. Snyder devait faire 4 films en 1, forcément à l’arrivée il y a de la casse. Résumons ce que devait être BvS : Man of Steel 2, Batman 1, Batman contre Superman et également le prologue de la Justice League. Si le film arrive globalement à son but sur les trois premiers points, malgré certains accrocs, il échoue complètement concernant le dernier tellement tous les éléments concernant la Justice League semblent introduits à la va-vite. Wonder Woman, si elle est très réussie, ne sert à rien dans le film à part pour venir se battre avec Doomsday à la fin. Le personnage manque bien trop d’épaisseur pour être intéressant, malgré un côté badass plus que rassurant concernant le film solo qui lui sera consacré. Quant à Flash, Aquaman et Cyborg, ils n’ont droit qu’à une série de caméos incorporés assez maladroitement et trop rapidement pour qu’on puisse s’y intéresser ou commencer à juger leur potentiel. Du coup la question se pose, le film avait-il besoin de ça ? Clairement non puisque ça ne sert qu’à le parasiter et à lui prendre un temps précieux qu’il valait mieux utiliser autrement. Pour finir, il faut aussi évoquer la construction du film, ce qu’il propose. Si le résultat est plus que satisfaisant dans l’ensemble, il n’est pas étonnant que beaucoup de critiques aient été acerbes. Déjà, il n’est clairement pas taillé pour le grand public. À des années lumières de ce que proposent Marvel ou la Fox, BvS n’est pas un blockbuster lambda.

Comme précisé plus haut, le film est bien plus proche d’un thriller que d’un film d’action et il se montre d’ailleurs assez avare en scènes de castagne, surtout comparé à ce que propose habituellement Marvel. Le rythme est bien plus lent, le film prend le temps d’aborder ses problématiques d’une manière bien plus recherchée que la concurrence. Les différents niveaux de lecture, avec toute la symbolique ultra présente dans l’image du film, sont indiscutablement des bons points mais ce n’est clairement pas ce que recherche un public jeune qui s’imagine assister à une heure de baston entre Batman et Superman. Autre point qui divisera, le film est bourré de références, de détails, d’indices sur son univers mais ces derniers resteront inaccessibles pour ceux qui ne lisent pas de comics. Les références à Miller, à Apokolyps et Darkseid ou encore à Robin et au Joker sont bien là mais souvent incompréhensibles pour un novice en la matière. La fameuse scène du « Knightmare » où Batman rêve (est-ce bien un rêve d’ailleurs ?) d’un futur apocalyptique est clairement celle qui cristallise le mieux ce problème. Car si les habitués y verront les prémisses de l’arrivée d’un des plus gros bad guys de chez DC, la séquence ne restera qu’une sorte de trip « what the fuck » pour la majorité du grand public. Du coup le film se retrouve les fesses entre trois chaises car il est constamment piégé entre le blockbuster action, qu’il n’est pas totalement, le thriller sombre, non vendu par les bandes-annonces, et le film ultra référencé, fait par un fan pour des fans qui exclut une partie du public.


Note sur la version Ultimate

Cette critique est basée sur la version longue du film disponible à la sortie BR/DVD. La durée passe ainsi de 2h30 à 3h. Les changements ? Des scènes rajoutées, dont certaines d’une importance capitale pour l’intrigue principale, des scènes d’action un poil plus violentes, des petits rajouts ça et là qui renforcent certains aspects du film (très efficaces pendant le combat de Batman contre Superman) et un montage grandement amélioré. Bref, il s’agit de la vraie version du film. Face à sa supériorité qualitative écrasante sur la version cinéma, il est absolument incompréhensible que la Warner n’ait pas utilisé cette extended cut pour la sortie dans les salles obscures. Presque du sabotage ! Conclusion : c’est la seule et unique version à voir et retenir.


 


Gods Among Us.
On pourrait parler des heures entières de BvS et écrire des dizaines de pages le concernant, le résultat resterait le même : un film clivant. Vu ce que le long-métrage de Snyder devait contenir et traiter, on peut considérer que le résultat final est bien plus proche d’un succès que d’un échec, même si globalement le film conserve un côté bancal. Trop gourmand et voulant raconter trop de choses à la fois, BvS complexifie parfois un peu trop une intrigue qui aurait dû rester plus simple et rush trop certaines choses pourtant importantes. Si la première partie est absolument brillante, la seconde montre clairement un côté boursouflé et un manque de maîtrise qui fait tache après un début si parfait. Coincé entre le blockbuster, le thriller et le film d’auteur d’un passionné de comics, BvS trébuche parfois. Des errements facilement pardonnables vu la prise de risque absolument hallucinante du film. Avec son univers sombre, mature et sans concession, BvS se coupe d’une partie du public qui ne sera clairement pas réceptive face à ce récit empreint d’une noirceur viscérale. Bien loin de délivrer la dose d’action « con con » standard et les bons sentiments étalés à la truelle sur fond d’optimisme héroïque, le film de Snyder nous dépeint un monde où les héros n’en sont pas vraiment. C’est plus froid, plus terre à terre mais du coup infiniment plus réaliste et cohérent que ce qui est proposé à côté. Laissant libre court à sa créativité, Snyder nous livre ici quelque chose de travaillé à l’extrême via une réalisation souvent ébouriffante de virtuosité et toujours impressionnante en ce qui concerne sa puissance visuelle et sa force d’évocation. Ce n’est pas parfait, il y a des défauts mais bon sang quel univers ! Quelle ambiance ! Bien sûr les nouvelles représentations de Lex Luthor, de Wonder Woman ou de Superman ne convaincront pas tout le monde mais le résultat a le mérite d’être original et de tenter moult choses osées. Et que dire de Batman ! Sans aucun doute le meilleur à n’avoir jamais figuré sur un écran de cinéma et incontestablement le plus proche des versions les plus sombres et torturées vues dans les comics, il fait forte impression à tous les niveaux malgré certains partis pris qui braqueront inévitablement une partie des spectateurs.

Si vous vouliez un blockbuster au ton léger où tout explose et où Batman et Superman passent leur temps à distribuer les coups, vous pouvez passer votre chemin. En revanche, si vous êtes tentés par un film de super héros qui voit enfin plus loin que le bout de son nez, qui propose des thématiques intéressantes sans oublier de les exploiter ainsi qu’un traitement résolument adulte des super héros, alors vous pourriez y trouver votre compte. BvS n’est peut-être pas le film du siècle mais c’est un très grand film de super héros, une œuvre complexe et travaillée qui n’infantilise ni son propos ni son ambiance quitte à choquer et/ou décevoir. Face aux réactions d’une Warner échaudée par les critiques négatives, malgré les bonnes recettes du film, il y a fort à parier que l’avenir du DCEU soit adouci afin de mieux coller au cahier des charges d’un grand public totalement acquis à la cause d’un MCU plus fun, plus léger mais aussi beaucoup plus simpliste. Ce serait dommage mais ça ferait également de Batman v Superman un film encore plus marquant et important, le seul et unique représentant d’un ton d’une noirceur sans concession, tel un vieux Batman usé contemplant une Gotham aussi crépusculaire et abîmée que lui.

 

 

Post publié par Damzé le 24/11/2017 06:05

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