Aucun homme ni dieu (Hold the dark)
Il y a certains réalisateurs qui ont un don, celui d’avoir une patte, un petit truc qui fait que l’on reconnaît un de leurs films instantanément ou que ce dernier se démarque immédiatement du reste du lot. C’est le cas de Jeremy Saulnier, réalisateur des excellents Blue Ruin et Green Room que je vous recommande chaudement. Capable de poser des ambiances très travaillées, de jouer avec le rythme d’un film, de déjouer les codes ou encore de proposer de fulgurantes montées de violence, aucun projet de ce réalisateur américain de 42 ans ne laisse indifférent. Pour voir son dernier en date, sorti en 2018, ce n’est pas vers les salles obscures qu’il fallait s’orienter mais vers la plateforme Netflix. Alors encore un gros coup de la part du géant du streaming ? Saulnier a-t-il réussi à conserver sa singularité ?
Le territoire des loups
Medora Sloane habite dans le petit village de Keelut, perdu dans le fin fond de l’Alaska. Une région froide et hostile où la nuit est longue et noire comme de l’encre. Un jour, son fils, qui jouait devant la maison, disparaît alors que des loups rôdaient à proximité. Son mari, soldat américain actuellement en mission à l’étranger, étant absent, elle se retrouve seule face à ce drame. Elle décide alors d’écrire une lettre à un dénommé Russell Core, expert des loups qui a même écrit un bouquin sur le sujet. Ce dernier débarque donc à Keelut afin d’aider Medora qui veut que l’animal responsable de la disparition de son fils soit traqué et tué.
Aucun homme ni dieu est très clivant. Il ne vous faudra pas longtemps pour savoir si vous allez détester ou si vous allez rentrer dedans totalement. Le film dégage quelque que chose qui est à l’image du lieu où se déroule son histoire : froid, hostile, rude, sombre. Comme les longues nuits noires et glaciales de l’Alaska, Aucun homme ni dieu est sans concession. Le scénario est tragique, souvent malaisant et les personnages sont torturés et énigmatiques. Le film, que l’on pense au départ proche d’un trip survivaliste/traque comme dans Le territoire des loups (si vous voulez voir Liam Neeson tenter de survivre aux éléments hostiles et à une meute de loups, je vous le recommande fortement), s’en démarque soudain totalement et effectue un virage à 180°. Trop dévoiler le scénario serait criminel tellement Aucun homme ni dieu prend le spectateur à contrepied. Bien vite, les mystères s’épaississent et Saulnier nous embarque toujours plus loin dans un drame de plus en plus glaçant. Porté par une réalisation sobre, le film est une mine de plans marquants visuellement que ce soit par leur beauté, leur cruauté, leur esthétique, leur brutalité ou tout ça à la fois. On retiendra tout particulièrement une scène de fusillade d’une violence proprement hallucinante, filmée comme une scène de guerre et tellement viscérale que l’on aurait presque envie de se réfugier derrière son canapé de peur de prendre une balle perdue.
Neige rouge et nuit noire
Aucun des protagonistes du film ne laissera de marbre, qu’il soit mystérieux comme Medora, totalement impassible comme son mari ou encore chaleureux et humain comme Russell. Un Russell qui reste d’ailleurs au centre de l’intrigue et qui sert de relai au spectateur qui s’identifiera forcément à lui. Venu ici pour aider une femme dans une situation tragique, il se retrouve totalement perdu, dépassé par les événements et par la nature hostile… exactement comme le spectateur. Comme lui, par lui, on découvre des indices, des détails qui petit à petit nous aiguillent vers des théories. C’est via ses yeux que l’on voit Keelut et ce qui s’y trame et tout comme lui, il y a fort à parier que l’on se posera une tonne de questions une fois la fin d’Aucun homme ni dieu visionnée. Si vous n’aimez pas les films qui n’expliquent pas tout, si vous n’aimez pas les films qui ne vous prennent pas par la main alors vous risquez d’être frustrés, notamment par la conclusion. Pour les autres, ceux qui aiment les ambiances mystérieuses, voire mystiques par moment, ceux qui aiment voir un film qui semblait terre à terre flirter subitement avec le fantastique ou l’horreur et ceux qui adorent assembler les pièces d’un puzzle via les détails disséminés ça et là, alors il y a fort à parier que le film vous marquera durablement et que sa fin vous fera cogiter très longuement.
Post publié par Damzé le 23/10/2019 01:48
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